Ambiances oppressantes autour d'un bunker en Amérique du Sud

Serge Brussolo – C'est par touches progressives que l'écrivain Serge Brussolo dévoile l'intrigue de son thriller "Bunker", paru en livre de poche en 2006 après une première édition en 1993. Le début de son roman est écrit à l'image de l'ambiance qu'il souhaite créer: une ambiance oppressante, inquiétante, dessinée à coups de paragraphes longs aux dialogues rares. Et qu'est-ce que les personnages décrits font ensemble? Le roman le dira, au fil des pages, quitte à ce que le début semble lent et un brin déroutant. Mais patience: dans "Bunker", tout vient à point...

Le "Bunker" du roman, c'est une grande demeure qui ressemble au bunker où Adolf Hitler a mis fin à ses jours. Sa destinée, l'écrivain la situe dans un pays qui pourrait être le Brésil, en des temps qui pourraient être les années 1950/1960, alors qu'on édifie Brasília. Peu de choses permettent cependant au lecteur d'être certain de tout cela: dans "Bunker", le contexte se nimbe d'un flou artistique.

Flou également autour du personnage féminin clé de "Bunker", Miss O, dont on découvre peu à peu qu'elle est une terroriste revancharde, agissant dans une localité décrite comme aux prises avec des milices qui font fuir les honnêtes gens, mais aussi avec des multinationales sans scrupules – une, en particulier, qui asservit son personnel de mineurs. Avant de faire la jointure, l'auteur laisse entendre, brièvement, que Súna et Miss O ne sont pas la même personne... Encore un flou!

Au cœur du mystère, se trouve un trésor. Là, l'auteur utilise un sujet qui fonctionne toujours bien dans les romans: l'or des Nazis. En l'occurrence, il est bien caché, allant jusqu'à leurrer ceux-là même qui sont à sa recherche: l'auteur réussit, en fin de roman, une pirouette des plus inattendues. Mais avant, il dessine quelques personnages intéressants, comme le mystérieux défunt Herr Von, admirateur du régime nazi qu'il entendait implanter en Amérique du Sud, et son valet, le vieillard cinglé et mythomane Hoogleborn. A la recherche d'informations sur mandat de son défunt et détestable professeur, enfin, l'écrivain Oswald Caine pourra compter ses amis dans un tel contexte! Américain parmi des Amérindiens résignés, en plus, il ne passe guère inaperçu.

Thriller d'ambiances habile et solide installé dans une Amérique du Sud oscillant entre réalité et fantasmes, irrigué par l'alcool qui endort, "Bunker" est de ces romans qui prennent leur temps et dans lesquels, en dépit d'une longueur juste moyenne (253 pages en format de poche), il n'y a rien de trop. Les interactions entre les personnages fonctionnent, ce qui permet un jeu constant autour d'Oswald Caine, qui préférerait être ailleurs mais qui, bon gré malgré, devra lui aussi se mettre à la recherche du trésor perdu. Et pas seulement pour les beaux yeux de son professeur...

Serge Brussolo, Bunker, Paris, Editions du Masque/Le Livre de Poche, 2006.

Le site de Serge Brussolo, celui du Livre de Poche.

Lu par Nelfe, Wilhelmina.