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mercredi 15 novembre 2017

Un photographe sous l'oeil d'un écrivain

Olivier Mathieu – L’écrivain Olivier Mathieu est candidat à la succession de René Girard, qui a laissé vacant le fauteuil 37 de l’Académie française. L’élection aura lieu le 14 décembre 2017, et les prétendants seront nombreux sur ce coup-ci. Auteur d’une cinquantaine de livres, candidat à plus d’une reprise (en une occasion, sous son pseudonyme littéraire de Robert Pioche) à un fauteuil de l’Académie française, Olivier Mathieu a choisi cette fois de placer sa candidature sous le signe du photographe David Hamilton, décédé en novembre 2016 et porteur d’une esthétique désuète et trouble que l’écrivain défend bec et ongles: en quelque sorte, les jeunes filles de David Hamilton ont l’âge de l’exil toujours adolescent d’Olivier Mathieu.

Je l’ai dit: Olivier Mathieu entretient un rapport particulier, intime, avec la photographie, et ses livres, presque toujours enrichis d’un cahier d’images, le confirment. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’il s’intéresse de près à la personnalité de David Hamilton. Il a du reste déjà signé un opus sur ce photographe, intitulé «Le portrait de Dawn Dunlap». Et voilà que paraît «C’est David Hamilton qu’on assassine»! Pour le coup, ce nouvel ouvrage, dont le titre a des airs de Gilbert Cesbron, voire d'Antoine de Saint-Exupéry, a des allures de livre d’investigation.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, une précision: plusieurs signatures de prestige sont venues enrichir ce livre: outre l’auteur lui-même, on relève la philologue Agnès Degrève, l’éditeur Jean-Pierre Fleury, l’écrivain et cinéaste Sébastien Guillet, l’auteur situationniste (et ami d'Olivier Mathieu depuis 1987 environ) Phrère Jac. Cela, sans oublier des contributions de l’essayiste Roland Jaccard, ou les illustrations d'une peintre qui signe «Jouissive».

«C’est David Hamilton qu’on assassine» compile une série de billets qu’Olivier Mathieu a publiés sur son blog. L’auteur se fait enquêteur, remettant en question les conclusions officielles, celles de la police, relatives aux circonstances du décès du photographe David Hamilton. Est-ce un suicide bizarre? Un décès qui arrange tout le monde? Bonne question. Il n’arrange en tout cas pas Olivier Mathieu, qui se positionne en personnage avide de vérité, allant jusqu’à mettre en question les conclusions officielles: une porte malencontreusement ouverte, une enquête présentée comme trop rapidement bouclée.

L’auteur répand par ailleurs ses apophtegmes courroucés (comme qui dirait) à l’encontre d’acteurs du monde médiatique qui ont pris fait et cause contre David Hamilton. Le jeu de mots trouve ici toute leur place, et l’auteur, usant d’une veine satirique immémoriale, se montre corrosif, osant le jeu de mots et la vanne qui dépote. Ce faisant, l’écrivain s’attaque avant tout aux personnalités qui se sont mêlées de l’affaire David Hamilton, et qui en prennent pour leur grade: fort de ses convictions, l’écrivain s’amuse.

Illustré d'images de David Hamilton, «C’est David Hamilton qu’on assassine» est donc un recueil de chroniques de blog, avec les forces et les faiblesses quon trouve dans une telle démarche. En particulier, la republication des billets apparaît déjà datée (David Hamilton est décédé l’an dernier, dans un quasi-anonymat), et l’auteur, s’il se prétend novateur, se répète plus d’une fois d’un billet à l’autre. Investigation? On aurait aimé, de temps à autre, avoir le point de vue original d’un enquêteur proche du terrain, dont la parole aurait eu plus de poids que celle d’un écrivain certes esthète, mais qu’on sent lointain par moments: l’audace, parfois, consiste à interroger un être humain plutôt qu’un document. Cela aurait donné un supplément de valeur, de chair et d’âme en somme, à une enquête qui présente ses zones d’ombre et s’avère donc, il faut le dire, parfaitement pertinente. Alors, et si le livre définitif sur David Hamilton restait à faire? Le débat reste ouvert!

Olivier Mathieu, C’est David Hamilton qu’on assassine, Nantes, A l’enseigne des Petits Bonheurs, 2017. Préface de Roland Jaccard.

Le site de l'éditeur.

En complément et pour mémoire, quelques références sur les dernières parutions en date signées Olivier Mathieu:

  • «Le tombeau de David Hamilton» est un recueil de poésies d’Olivier Mathieu, constitué par Jean-Pierre Fleury et enrichi d’un CD. Paru en 2017 chez un imprimeur roumain sous l’expresse responsabilité de Jean-Pierre Fleury, il se présente comme un bref hommage poétique au photographe David Hamilton, généreusement illustré comme il se doit. 
  • Olivier Mathieu a également publié, en 2016, «Alain Finkielkraut l’Immortel», généreux ouvrage d’inspiration satirique. On y retrouve des interventions qu’Olivier Mathieu a faites sur Internet, sous le pseudonyme de Robert Spitzhacke, traduction allemande de «Robert Pioche», le pseudonyme historique d’Olivier Mathieu. A ce moment-là, Alain Finkielkraut était candidat à l’Académie française. 

Pour obtenir un exemplaire de ces ouvrages, il faut s’adresser à Jean-Pierre Fleury, éditeur à l’enseigne des Petits Bonheurs à Nantes. Ou encore, éventuellement, au blog «En défense de David Hamilton». Cela, sachant qu’Olivier Mathieu offre presque toujours volontiers ses livres à celles et ceux qu’il considère comme dignes de cet hommage.

5 commentaires:

  1. Cher Daniel, tout en vous remerciant pour ce bel article, qui va plaire aussi j'en suis certain à Roland Jaccard, je vous apporte une précision. Pour interroger les humains, il faut leur accord. Or, pour ne prendre qu'un seul exemple et j'en ai d'autres, le décès de David Hamilton a été déclaré à la mairie de 75 006 Paris. Il a été déclaré par une personne, aux termes de la loi. cet acte de décès est disponible, toujours selon la loi française, à toute personne quii en fait la demande à la mairie du sixième arrondissement. Un de mes amis, journaliste d'investigation, a téléphoné à la personne qui a déclaré officiellement la mort de David Hamilton, et dont le nom figure sur l'acte de décès (qui est, je le rappelle, un document à la fois public et officiel). Or, la personne en question a refusé de répondre à toutes nos / mes questions... O.M.

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  2. Audacieux de consacrer un livre au photographe célèbre par ailleurs accusé de viols sur mineures, qu'il n'a jamais reconnus et j'imagine qu'avec son décès cessent les plaintes et investigations.

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    1. C'est surtout le livre - les livres, même - d'un passionné de l'oeuvre du photographe.

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  3. Je me permets d'apporter encore quelques précisions. Une accusation de viol ne signifie rien. Il existe en effet de fausses accusations. Toute accusation doit, en Droit, démontrer sa justesse. Dans le cas de David Hamilton, les accusations portèes contre lui étaient prescrites. Par ailleurs, il existe en Droit l'adage "Testis unus, testis nullus". Mais j'irai plus loin. Supposons que David Hamilton soit coupable. Or, il n'est pas coupable juridiquement, parce qu'il n'a été condamné à rien de son vivant. Mais supposons qu'il soit coupable, supposition parfaitement absurde. Quìest-ce que cela enlèverait à son oeuvre artistique? François Villon est le plus grand poète français du Moyen Age, c'était un voleur, un assassin et un amant des prostituées. Baudelaire et Nietzsche allaient aux putes. Caravage, l'immense peintre Caravage était un assassin. J'entends par là que, si le viol est un délit et doit se voir puni, on ne saurait condamner qui que ce soit sur des accusations tardives et unilatérales. Et en tout état de cause, cela ne concernerait que l'individu, pas son oeuvre artistique. Au demeurant, Polanski a avoué des viols sur mineure (alors que David Hamilton les a niés, repoussant lesd accusations contre lui) et les films de Polanski sont dans les salles de cinéma, couvertes d'honneurs, depuis quarante ans... Olivier Mathieu.

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