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vendredi 22 septembre 2017

Valais, as-tu du cœur?

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Manuela Gay-Crosier – Quelque part en Valais, la montagne, les forêts et les rivières composent, pour l'oeil du promeneur ou de l'observateur, un cœur. C'est près de celui-ci que se déroule toute l'intrigue de "Mon cœur dans la montagne", le dernier roman de l'écrivaine Manuela Gay-Crosier. Un ouvrage qui se situe au carrefour du roman historique et de la romance, et s'inscrit dans les publications de la rentrée littéraire 2017 des éditions Plaisir de lire, que je remercie pour l'envoi d'un exemplaire.


Un arrière-plan documenté
Qu'il soit permis de relever, en préambule, le travail de recherche historique de l'auteure, dûment documenté en fin de roman. L'auteure parvient ainsi à rendre de manière plutôt crédible les travaux et les jours tels qu'ils se présentaient en Valais au dix-neuvième siècle, sans compter les débats politiques entre conservateurs et radicaux, sur fond de Sonderbund puis de naissance de l'Etat moderne suisse. Et puis, il y a l'essor du tourisme, qui modifie peu à peu la vie dans les montagnes valaisannes, amenant son lot de personnages. Enfin, l'auteure rappelle que le Valais est une terre d'où l'on part, par exemple vers l'Argentine, mais aussi où l'on s'installe, au travers du Tyrolien Henri, qui a fui son Autriche natale.

Cette vie villageoise est certes agreste, alpestre même, rude en tout cas, et il arrive que des chasseurs l'animent - même en plein mois de mai. Elle n'est pas si différente de ce que l'on vit aujourd'hui, en somme, au village ou ailleurs: il y a des jalousies, des factions rivales, des ambitions individuelles, des gens qui souffrent, d'autres qui sortent du lot. Tout cela se passe entre Finhaut et Salvan, dans les montagnes. Et le côté actuel, lui, est illustré par la vie quotidienne d'un office du tourisme où œuvre Virginie – qui se souvient, soit dit en passant, du drame de l'Ordre du temple solaire, survenu en 1994 à Salvan, quelques jours après Morin Heights (Canada). Mais il n'en sera guère question...

Des personnages forts
"Mon cœur dans la montagne" est porté par une poignée de personnages forts, que la romancière dessine avec clarté. On passera sur le mauvais rôle généralement accordé aux hommes qui peuplent ce roman, les femmes étant presque trop facilement présentées comme des victimes. Il est plus intéressant d'en exposer le fonctionnement...

... et si le lecteur doit s'attacher à quelqu'un, c'est bien à la personne de Mathilde, mutique depuis son enfance, à la suite d'une série de deuils traumatisants: un père qu'elle voit assassiné par celui qui deviendra le mari de sa mère, et le fils de l'assassin qui deviendra son mari sans qu'il y ait de véritable consentement. En convoquant les lourds secrets de famille, l'écrivaine s'inscrit dans un thème classique, observé à travers une fillette qui n'a pas encore les épaules assez solides pour les porter.

Lui fait écho Virginie, qui a connu elle aussi son lot d'expériences pénibles (en un siècle certes plus facile à vivre) et se retrouve à monter une exposition avec Andrew Milton, descendant de l'artiste Edward Milton. "Il était en retard": telle est la première phrase qui caractérise la relation entre Virginie et Andrew. Critique initiale, elle suggère au lecteur attentif que l'issue de la relation entre Virginie et Andrew, pourtant relatée sur le ton passionné de la romance, ne peut que mal finir.

Enfin, le lecteur reste stupéfait face aux personnages de Raymond et Maurice, le fils et le père, et à leur dualité: du côté public, ce sont des hommes à qui tout réussit, alors que du côté privé, ce sont des personnalités qui n'inspirent que le mépris. Et en la matière, l'auteure n'hésite pas à appuyer le trait, un peu trop fort peut-être.

Les ficelles du romantisme
Edward Milton, avons-nous indiqué... Tourisme, avons-nous mentionné... On l'a compris, "Mon cœur dans la montagne" fait sa place à l'irruption de la modernité et du romantisme dans les Alpes valaisannes. On trouvera ainsi un hôtelier prénommé César, ce qui peut faire penser à l'hôtelier mondialement connu César Ritz, valaisan également. Edward Milton, artiste-peintre, touriste anglais parce qu'il le faut bien, en constitue le visage créatif et sentimental.

Edward Milton s'inscrit idéalement dans la dynamique moderne du dix-neuvième siècle, qui rejette progressivement les grandes machines mythologiques pour aller peindre à l'extérieur (voir à ce sujet "Des opéras de lumière", roman de Jean-Noël Blanc, mettant en scène le peintre François-Auguste Ravier et le photographe Félix Thiollier). Ses portraits, clé de ce roman, s'avèrent donc surprenants! D'une point de vue plus personnel, Milton aspire à un mariage d'amour sincère, et non à la résignation à un arrangement conjugal pragmatique. Fuyant son mariage, il fait écho à l'ex-compagnon de la contemporaine Virginie, Cédric, parti sans laisser d'adresse à la veille des noces.

Et puis, de manière plus convenue, le romantisme s'exprime au travers des amours interdites, malsaines en somme puisqu'adultérines, de Mathilde et d'Edward, malgré les obstacles.

La sobriété d'un style
Le lecteur pourra être surpris par le caractère particulièrement sobre, pour ne pas dire plat, du style de "Mon cœur dans la montagne", le titre lui-même n'étant pas des plus intrigants. Clairement, on n'est pas dans une écriture qui émerveille par sa seule forme: cette dernière se fait au contraire discrète pour donner toute sa place au développement de l'intrigue et à la mise en place des enjeux.

Pour le lecteur, il en résulte un roman joliment écrit, de manière fluide, capable de captiver grâce à une intrigue qui traverse les décennies – quitte à sonner parfois d'une manière presque trop actuelle: on se demande parfois si certaines péripéties se seraient vraiment passées ainsi au dix-neuvième siècle. "Mon cœur dans la montagne" suggère enfin, de façon quand même un peu attendue, qu'il y a peut-être autre chose, entre Virginie la stagiaire et Andrew l'héritier, qu'un amour passionné mais superficiel et essentiellement fait de sexe. Un air de famille, peut-être?

Manuela Gay-Crosier, Mon cœur dans la montagne, Lausanne, Plaisir de lire, 2017. Photo de couverture de Jacky Gay-Crosier, parfaitement parlante: trouvez le cœur!




2 commentaires:

  1. Il y a chez toi une série d'auteurs dont je n'ai même jamais vu le nom ! C'est bien ;) Tentée par celui-ci !

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  2. C'est un roman à essayer, en effet! Au carrefour entre le roman historique et l'histoire d'amour, en plein Valais - un monde à part.
    Bonne fin de semaine, Violette, et bonnes lectures!

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