Marie Jousse – Les larmes ponctuent les péripéties du premier roman de Marie Jousse. Elles donnent à ce petit livre leur surnom, plein de poésie: "Un acrobate au bord de l'oeil". Et au fil des pages, c'est une famille que l'on découvre, avec ses vicissitudes masquées par une façade bien lisse. Tout commence par un aveu: alors qu'elle a 31 ans et qu'elle est en train de donner la vie, le père de Claire, la narratrice, lui confirme qu'elle est bien sa fille. Dès lors, se développe, sous la plume de la romancière, toute la généalogie d'un doute.
Ce doute, l'auteure a l'habileté de lui donner plusieurs causes, donnant constamment à Claire l'impression qu'elle n'est pas à sa place. Il y a d'abord la différence physique entre la narratrice et ses soeurs, qui ouvre la porte à une hésitation personnelle quant à sa filiation, encore renforcée par un jeu cruel entre les parents, suggérant entre eux que la narratrice, Claire (celle qui n'a exceptionnellement pas de diminutif, alors que ses deux soeurs en ont un), est née d'amours adultères. Une impression renforcée encore par le caractère volage du père, un notaire de province qui voit passer beaucoup de monde. Enfin, et sans oublier les remarques des tiers, il y a ce jeu enfantin courant, consistant à imaginer que nos parents ne sont pas vraiment nos parents.
Le deuil vient ponctuer "Un acrobate au bord de l'oeil", dans des manières atypiques qui font souffrir les personnages. Il y a d'abord le décès de Frédéric, en bas âge, qui éprouve durablement la mère, installe le rituel de la visite de sa tombe et suggère que dans la famille, il n'est pas possible de donner le jour à des garçons. Il y a aussi Pierre-Alain, Jean-Marie. Et toujours, il faut faire face.
La peinture de ces drames familiaux, que l'auteure aborde avec sensibilité même si certains éléments auraient pu être approfondis davantage, fait contraste avec l'image radieuse, quasi parfaite, que renvoie la famille de Claire. L'auteure excelle à dépeindre cette vitrine idéale: une mère très belle, un père qui a réussi, et des enfants qui doivent se coiffer et s'habiller pour être beaux à l'école. Cela, sans compter l'impératif de faire bonne figure malgré les drames et les douleurs qu'on veut cacher.
Le premier roman de Marie Jousse se décline en mode mineur, construisant un monde d'incertitudes dans lequel il n'est pas évident pour Claire de trouver sa place. Par éclats de vie, pourtant, et au fil de chapitres courts, "Un acrobate au bord de l'oeil" construit avec justesse le portrait d'une femme et d'une famille, sur deux ou trois générations.
Marie Jousse, Un acrobate au bord de l'oeil, Lectoure, Yakabooks, 2017.
Lu par La Diablotine.
Le site de l'éditeur - merci pour l'envoi!
Un premier roman qui a l'air passionnant.
RépondreSupprimerEn effet, si tu aimes les histoires de familles atypiques!
RépondreSupprimerJolie chronique!
RépondreSupprimerMerci Maryline! Passe une bonne soirée! :-)
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