Lu par Ana Verbania, Emeline, Popcorn and Gibberish.
Le site de l'éditeur - merci pour l'envoi!
Défi Premier roman.
Force est de noter que "L'homme qui ne voulait pas devenir président" surfe sur l'actualité! Sur un ton burlesque, le premier roman de Julien Leclercq met en scène un trentenaire qui, lors d'une soirée bien arrosée à Bayonne, se déclare publiquement candidat à l'élection présidentielle française de 2017. On a fini par le savoir: on a filmé, les médias sociaux s'en sont mêlés... Alors, tremblez, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon: le vrai candidat du peuple, chômeur et entouré a minima, débarque!
Le titre du premier roman de Julien Leclercq n'est pas insensé: tout au long de ce livre, le lecteur suit Michel Barrieu, François (très) moyen embarqué dans une aventure qui le dépasse, pas tout à fait avec son accord. Dès lors, le tour de force de "L'homme qui ne voulait pas devenir président", avec son titre quasi chiraquien, consiste à montrer l'évolution d'un personnage qui, tout à fait malgré lui, se trouve en position de devenir l'un des humains les plus puissants de France et du monde. Et de démontrer, en bon romancier, qu'un certain concours de circonstances permet à n'importe qui de se voir remettre les codes permettant de balancer une bombe atomique. Et qu'enfin, vouloir, ce n'est pas indispensable.
Evidemment, Michel Barrieu n'est pas seul dans cette aventure. L'auteur construit autour de lui une brochette d'amis qui, vus comme des types, font figure d'archétypes de ce dont un candidat à une élection présidentielle a besoin. Ce sont des amis... à leur manière, sympas mais intéressés! Avec délices, le lecteur amoureux d'absurde les voit actifs dans une campagne dont ils cachent tout au principal intéressé. Evidemment, ce comité de campagne a ses fissures; très tôt, le lecteur subodore qu'Alice, la responsable de la communication, sera l'élément dysfonctionnant de la campagne. Femme parmi les hommes? Elle n'en est que plus singulière. D'autant plus qu'elle est peut-être amoureuse... Mais ce n'est qu'une chose: globalement, page après page, le lecteur se demande, anxieux, à quel moment ça va se casser la figure.
Ce cercle d'amis permet à l'auteur de montrer, en miniature, l'essentiel de l'entourage d'un candidat à la présidentielle. Optimiste, il va jusqu'à suggérer qu'un effectif réduit suffit à bien se positionner: finances, communication, collecte des parrainages, implication des bénévoles, tout y est, à la façon d'un laboratoire. Ce faisant, il pose la question récurrente des petits et grands candidats, de ceux qui ont une chance de devenir locataires de l'Elysée et des autres, bien représentés à chaque élection présidentielle française, souvent dans l'objectif à la fois humble et essentiel de faire passer leur message. Il suggère qu'un "petit" peut devenir un "grand", et confère ainsi à Michel, figure d'adolescent immature qui se contente de petits boulots, le statut sympathique d'homme "nature" qui monte, face à des candidats issus du système, que l'auteur décrit comme tels, s'inspirant librement de personnages politiques existants qu'on devine sous les faux noms. Enfin, pour certains éléments cruciaux comme la quête des parrainages ou les finances, l'auteur sait se montrer à la pointe de l'actualité, suggérant que le crowdfunding pourrait être un mode de financement d'une campagne électorale. Tout autant que les jeux de hasard...
Naturellement, tout n'est pas aussi simple que dans "L'homme qui ne voulait pas devenir président"! Quelques questions sont abordées de manière schématique, voire omises. En suivant le personnage de Michel Barrieu, en le creusant à fond, cependant, l'écrivain donne à son roman une profondeur et une humanité étonnantes, sans jamais s'interdire la rigolade. C'est que Michel Barrieu, comme François Fillon ou Emmanuel Macron, a le droit d'avoir des états d'âme! Ils font de ce candidat atypique un bonhomme hésitant, ballotté par un entourage qui entend l'asseoir sur le siège suprême, de manière pas tout à fait désintéressée d'ailleurs. A chaque étape, le lecteur se dit qu'il va se planter... mais non: l'auteur va jusqu'au bout. A tel point que par moments, on se croirait chez un Tonino Benacquista, toujours capable de pousser le délire un peu plus loin.
Le bout du roman est d'ailleurs ouvert. En trouvant une manière élégante de ne pas trancher, le final s'avère splendide: il montre qu'en définitive, la seule victoire qui compte, c'est celle de l'amour, gagnée à Paris comme il se doit. Celle-ci, on la sentait venir... De manière brillante et amusante à la fois, explorant avec exactitude les possibles du système électoral français, l'écrivain Julien Leclercq réussit à mettre en scène l'irrésistible ascension d'un candidat issu de la "société civile", plus proche d'une Charlotte Marchandise que d'un François Asselineau, sans cravate et sans apprêts. Ah, s'il voulait...
Julien Leclercq, L'homme qui ne voulait pas être président, Paris, Intervalles, 2017.
Et oui, s'il voulait... mais qui pourrait lui reprocher ? Pas moi. en tous les cas, un roman bien sympathique et plus profond qu'il n'y paraît au premier abord
RépondreSupprimerEn effet, Président de la République, il faut vouloir! Il y a surtout des coups à prendre...
RépondreSupprimerEt c'est vrai, il y a de quoi réfléchir sur certains éléments contestables/contestés du processus qui mène à l'Elysée, derrière une façade amusante qu'on apprécie. Surtout, ce roman donne un peu d'air frais bienvenu en cette saison.