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jeudi 13 mai 2021

La patiente et le psychiatre misanthrope

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Marie Beer – Qui est le plus atteint dans son intégrité mentale dans "Sagama"? Dernière publication de l'écrivaine et dramaturge Marie Beer, ce roman en forme de journal intime, adapté au théâtre, donne la parole au docteur Wilson, psychiatre quinquagénaire, aux prises avec son environnement professionnel et social. 

Journal intime? Au départ, le support de ce journal est un cahier, cadeau que Wilson offre à son épouse Monique afin qu'elle puisse se confier. Mais elle le prend mal et le psychiatre récupère l'objet pour en faire son propre journal intime. Voilà installée l'image quelque peu secrète, solitaire et transgressive, de l'acte d'écrire. Et ce cahier restera, irrémédiablement, entre elle et lui.

Wilson s'y confie sans fard. Le lecteur découvre un personnage misanthrope qu'on peut trouver difficile à supporter, et qui est sans doute difficile à vivre au quotidien. Ce quotidien, c'est un mariage qui peine à trouver un second souffle, malgré un voyage à deux et une vie sociale bien commune. C'est aussi un métier, la psychiatrie, qui mange totalement un docteur Wilson trop prompt à réagir aux urgences.

Et là, le récit va se concentrer sur une patiente: Sagama, jeune fille en totale rupture, envahissante, difficile, et pourtant fascinante. La relation patient-psychiatre va être paroxystique, conflictuelle, jusqu'à l'inadmissible. Il y aura de la casse, pour une reconstruction personnelle incertaine. 

Cela dit, et l'auteure agence cet aspect avec talent en usant de flash-back qui font intervenir les souvenirs du docteur Wilson, le journal apparaît peu à peu comme une forme de thérapie déstabilisante à laquelle le psychiatre va s'adonner lui-même malgré lui, tant Sagama, ses mots et son attitude résonnent en lui. 

La résonance prend aussi la forme d'un jeu de miroirs, c'est par un livre, un récit, que Sagama va boucler sa thérapie, après s'être réinsérée d'une façon peu conformiste. Ce livre, on l'a compris, fait écho au journal du psychiatre; mais il fait aussi écho aux essais grand public qu'il fait paraître. Comme s'il était plus facile, parfois, de se confier au papier qu'à l'humain.

Enfin, le monde de la psychiatrie est rendu accessible par la précision des mots choisis pour faire parler Wilson – quitte à ce qu'ils soient un peu techniques. "Sagama" est un roman non dépourvu d'humour ni de scènes cocasses qui évoque avec force et finesse la difficulté qu'il y a à communiquer de manière satisfaisante entre humains.

Marie Beer, Sagama, Genève, Encre Fraîche, 2021.

Le site des éditions Encre Fraîche.

2 commentaires:

  1. Je suis intéressée par ce que dit l'auteur de l'incommunicabilité.

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    1. ... en particulier entre le mari psychiatre et son épouse, du coup. Un beau roman, riche également, à essayer!

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