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samedi 26 janvier 2019

"There's no FRI lunch"... quoique!

Fri
Collectif – Si je vous dis "FRI", à quoi pensez-vous? Il est permis de songer à "free", qui signifie "gratuit" en anglais. Mais il paraît qu'il y a autre chose derrière cet amas de phonèmes. En effet, une rumeur tenace circule qui dit que "Fri-", c'est aussi un préfixe que tout le monde ou presque adopte pour annoncer une identité fribourgeoise. Sous la houlette des éditions Faim de Siècle, quelques auteurs inspirés ont décidé d'y aller voir de plus près. Dans le canton de Fribourg, bien sûr, en Suisse, hein, et gare aux contrefaçons.


C'est donc un collectif qui a produit ce petit livre en noir et blanc, intitulé sobrement "FRI". On a même les noms: Tatjana Erard, Nicolas Perrin, Charly Veuthey et Julien Vuilleumier – sans oublier Frédéric Aeby pour les illustrations distillées dans l'ouvrage, porteuses d'un sympathique humour. Et entre registre du commerce et tentation du délire, "FRI" recense toutes ces sociétés qui, dans le canton de Fribourg, ont décidé de choisir un nom qui commence par "Fri-" aux vingt et vingt et unième siècles – voire avant. Pour le coup, il y a du monde.

Chaque lecteur de "FRI" retrouve au fil des pages une entreprise ou une organisation dont il a entendu parler, voire à laquelle il a eu affaire, voire même (soyons fous, osons le pléonasme) dont il a été le patron. Les auteurs du livre les décrivent en quatre ou cinq lignes concises et percutantes, de mille manières. Certaines descriptions sont simplement factuelles, alors que d'autres se la jouent carrément humoristique. Le lecteur apprécie en particulier ce qui s'est imposé comme un fil rouge: les entreprises immobilières du cru. Sont-elles si dépourvues d'imagination qu'elles se sont senties toutes obligées de faire commencer leur nom par "Fri-"?

Evidemment. quelques gags s'avèrent récurrents, à l'instant du parallèle avec "free", anglicisme qui signifie "gratuit" en français. Mais au-delà de ce parallèle primaire, les auteurs aiment faire résonner les sonorités des entreprises nommées et, si c'est possible, faire jaillir de nouveaux sens, prévus ou non par les créateurs du nom. Il est certes permis de relever que pour les auteurs, "Frilift" n'a rien à voir avec la chirurgie esthétique ou le tennis; mais il convient de noter aussi que l'école "Fri-Skool", pilotée par Katja Vergères, paraît avoir un second effet "Kiss cool".

Il est permis aussi de relever que certaines créations ont échappé au travail de recherche des auteurs. On sera par exemple surpris de ne pas trouver dans ce livre "FriSperme", un site Internet disparu qui a su surfer sur l'idée bien scientifique, relayée par la presse, que le sperme fribourgeois est de très bonne qualité – et que les dzodzets, c'est-à-dire les gars du cru, sont de bons coups au lit. Eh, d'ailleurs, où sont les célèbres T-shirts? Ces lacunes sont cependant assumées: les auteurs, non sans lassitude, relèvent que chaque jour, ils ont connaissance de nouvelles entreprises dont le nom commence par "Fri-".

Reste qu'en matière de "Fri-", on ne saurait tricher! Les auteurs limitent leur sélection à tous les noms d'entreprises ou d'acteurs qui commencent par la fameuse syllabe, mais rejettent les mots qui l'utilisent comme suffixe (il ne sera donc pas question du programme d'études "BeNeFri" des universités de Fribourg, Berne et Neuchâtel) ou trichent un tant soit peu – tout au plus concédera-t-on un clin d'œil à Nova Friburgo, au Brésil, pour faire exotique. Pourtant, ces écarts à la règle pourraient constituer de quoi faire un nouveau livre, tantôt ouvert aux "Fribourgs" du monde, tantôt aux créations concurrentielles telles que Frionor, pour ceux qui aiment le poisson ("On gèle au sud, on frit au nord, fais du feu dans la cheminée...", disait à peu près le chanteur québécois Jean-Pierre Ferland), ou Frigor, pour les amoureux de chocolat et de gore gratuit (free gore). Sans oublier le "Fricâlin", d'autant plus que ce fromage savoureux s'est fait éjecter de Wikipédia sans raison valable! Il est enfin plus que probable que tous les Fribourg du monde (France, Allemagne, Brésil, etc.) ont leurs "Fri-" à eux. En fait, il y aurait de quoi faire encore un livre, en noir et blanc ou en couleurs, au format mondial – comme disent les affichistes.

Entre les "Fri-" imaginés (qui sont autant de savoureux jeux de mots imprimés sur des pages noires: Fritür, Friable, Fribaudes et plein d'autres, amusez-vous au contact des vrais mots entre français, allemand voire anglais!), les "Fri-" réels et les jeux de mots, les auteurs de "FRI", tantôt graves, tantôt amusés, révèlent tout un petit monde de petites et moyennes entreprises fribourgeoises. Force est de relever que du côté des descriptions, c'est parfois savamment drôle et parfois sèchement descriptif: si son ambition est de faire rire, "FRI" est un peu inégal. Mais au-delà des gags les mieux amenés et des jeux de mots involontaires mis au jour sur le ton des pieds qu'on met dans le plat, voilà l'essentiel: ce livre relève tout ce que l'utilisation du préfixe "Fri-" a de banal et d'improbable. On dirait, et c'est le message des auteurs, que tout le monde a eu la même idée, au fil des décennies, et s'est cru malin à chaque fois. Dès lors, les auteurs de tous niveaux sont fortement incités à se montrer plus créatifs et à s'amuser: il n'y pas que Fribourg et sa syllabe "Free" dans la vie, bleu de bleu!

Collectif, FRI, Fribourg, Faim de Siècle, 2018.

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