Pages

lundi 16 juillet 2018

Une ambiance de thriller futuriste à l'École polytechnique fédérale de Lausanne

1292816_f.jpg

Fabien Feissli – Il s'en passe de belles au Poly, et les journées portes ouvertes peuvent s'avérer dangereuses. Cela, en tout dans dans les années 2049. L'écrivain et reporter suisse Fabien Feissli ouvre avec "Le Mîlenarium" une saga intitulée "Lemania", qui trouve place dans une ville intelligente construite quelque part sur les rives du lac Léman. Et pour personnaliser cet environnement, l'auteur donne vie à Elliot, un amnésique aux talents surprenants.

Qu'on le dise d'emblée: le fonctionnement d'Elliot l'amnésique rappelle le personnage principal de la série "XIII" de William Vance et Jean Van Hamme. En particulier, alors qu'Elliot, élève au gymnase Wawrinka, se présente comme un post-adolescent presque normal qui se souvient normalement de ce qui lui est advenu depuis trois ans, ce qui lui revient de son passé antérieur à l'amnésie a de quoi l'intriguer, voire lui déplaire: une capacité surhumaine à combattre et à tuer, un claquement de doigts obsédant, une relative indifférence aux décharges électriques, et même une aptitude étonnante à assurer lors de ses interrogations orales d'allemand. Et comme dans "XIII", la quête de la mémoire et de l'identité d'avant l'amnésie s'installe comme un leitmotiv du roman, voire de la saga. "Le Mîlenarium" donne déjà quelques réponses, tout en laissant plus d'un élément dans le flou.

C'est dans le contexte suisse romand que l'écrivain installe son récit, quelque part entre Lausanne et Genève. Interpellé par les technologies numériques, l'auteur construit un roman où celles-ci tiennent une place prépondérante. Du côté domestique, il est permis de penser au Philip K. Dick de "Ubik", où les appareils domestiques se montrent narquois lorsqu'ils fonctionnent... contre espèces sonnantes et trébuchantes. Les jeunes apprécient, les aînés se souviennent du temps d'avant. L'auteur suggère finement que face aux nouvelles technologies, les générations ne sont pas égales. Et que le le regard qu'elles portent sur elles diffère: les aînés s'avèrent plus critiques que les plus jeunes – et cette critique, pertinente et souvent originale, aurait mérité d'être approfondie davantage. Les post-adolescents, de leur côté, utilisent les nouvelles technologies à écrans de façon naturelle. En mettant ceux-ci en avant, l'auteur donne à son livre des allures de roman d'anticipation "Young adult".

En particulier, la ville nouvelle de Lemania ringardise les cités historiques de Genève et de Lausanne – cette dernière, en particulier, est présentée comme peu et mal habitée par quelques originaux. Paradoxalement, c'est là que demeure, selon l'écrivain, l'École polytechnique fédérale de Lausanne. L'écrivain relève quelques tics communicationnels de l'université de Lausanne, prompte à créer des néologismes et des jeux de mots sur ce qui est enseigné sur tel ou tel campus: chez lui, dans "Mîlenarium", il y a "île". Double sens de l'île, cela dit: c'est à la fois un lieu protégé où l'on peut mener des recherches tranquille, et aussi un piège. Le Léman n'est pas bien large, mais pour qui ne sait pas nager, il peut bien être mortel.

"Le Mîlenarium" se présente comme le premier roman d'une saga dont le nombre de volumes n'est pas connu. A ce titre, il fonctionne aussi comme une scène d'exposition, permettant au lecteur de faire connaissance avec un univers et ses personnages. Côté contexte, vu la rapidité de l'évolution numérique, on aurait certes attendu encore plus d'audace de la part de l'auteur: Internet sera-t-il encore d'actualité en 2049? Et les e-mails? Voire des supports comme Facebook, rebaptisé "Faces"? Mais qu'on se rassure: d'autres aspects s'avèrent parfaitement audacieux – et inquiétants, pour le coup: le lecteur est placé en présence d'humains augmentés, de personnages super costauds renforcés par des exosquelettes et même par des avatars qui fonctionnent comme des personnages secondaires de jeux vidéo, intervenant sur demande.

Trépidant, porté à grande vitesse par des chapitres courts où la froide technologie côtoie la possibilité d'amours adolescentes – et là, l'auteur rappelle des émois qu'on a sans doute tous connus, certes dans une optique hétéronormée – "Le Mîlenarium" constitue le point de départ d'une série prometteuse, peut-être porteuse de retournements de situation hardis: l'auteur commence par l'épilogue, et le relire après une première lecture du roman interpelle. Rêves obsédants, action dans un abri antiatomique, interactions tendues entre des étudiants de caractère: tout ne fait que commencer. Certes, Elliot s'est battu pour ses collègues dans ce premier volume. Mais après? "Désormais, c'est personnel.", conclut le livre. On se réjouit de connaître la suite du vécu d'Elliot en justicier solitaire.

Fabien Feissli, Le Mîlenarium, Genève, Cousu Mouche, 2018.

Le site des éditions Cousu Mouche.

2 commentaires:

  1. Ce livre me paraît intéressant! Pour autant qu'il ne fasse pas trop "ado" quand même...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour! Je ne l'ai pas ressenti comme faisant "trop ado", pour ma part. Cela, même si les personnages qui mènent le roman sont des jeunes! C'est un auteur suisse à découvrir, également journaliste.

      Supprimer

Allez-y, lâchez-vous!