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lundi 29 avril 2024

Ces chocolats délicieux qui vont par trois...

Collectif – Il paraît que les bonnes choses vont par trois. C'est valable en tout cas pour le recueil de nouvelles "Chocolat, noir de préférence", publié dernièrement aux jeunes éditions A3 Haute Edition. Cet ouvrage recèle trois beaux textes signés de trois auteurs de Suisse romande, autour d'un thème unique et typique: le chocolat.

Avant même de commencer sa lecture, le lecteur ne peut être que séduit par le livre en tant qu'objet. La police de caractères est atypique, la mise en page travaillée et flatteuse. Le papier, quant à lui, a été créé à l'origine pour Balenciaga. Et le recueil, enfin, est proposé en trois couleurs de couvertures, et sur l'ensemble du tirage, 150 exemplaires (sur 450) ont été numérotés à la main (confidence: j'ai le numéro 149). Oui, on aime.

Et les textes ne déméritent pas, chacun à sa manière. Le recueil s'ouvre sur "Arsenic et pavés de Genève" d'Olivia Gerig, la plus longue et la plus totale des nouvelles du livre. C'est presque une novella, dans la mesure où elle est structurée en chapitres pour créer une narration polyphonique. L'écrivaine convoque tout l'imaginaire lié au chocolat, produit de luxe pour certains, délice addictif pour d'autres, pour développer une intrigue noire, voire toxique, sur la base des drames et destins familiaux qui ont déterminé les destinées atypiques de ses personnages. On ne devient pas une empoisonneuse comme ça, que diable...

C'est avec adresse, dans un style amusé, que l'écrivaine Laure Mi Hyun Croset esquive le sujet dans sa nouvelle "À Troyes", qui met en scène une bouchère plus familière des biftecks que des pralinés – étant admis que bien apprêtés, les biftecks sont un délice aussi, tout autant que les chocolats. C'est en arrière-plan que la sœur du personnage principal malaxe ses ganaches... Ce que cette nouvelle met en valeur, c'est le caractère divin de tout aliment savoureux (et qui dit "chocolat" dit "théobromine", étymologiquement "nourriture des dieux"), à travers un jeu habile qui puise dans la mythologie gréco-romaine. Troie ou Troyes, voire éditions A3, même combat?

Signée Olivier Chapuis, "La Boîte" énonce enfin, sur un ton réaliste qui ne recule pas devant les questions sociétales (il sera question d'euthanasie), une histoire d'amour bien romanesque à base de défi sentimental: telle femme fantasque met un jeune homme au défi d'aller trouver une boîte de chocolats belges. Au fil de la nouvelle, le désenchantement s'installe: si goûteux qu'il soit, ce modèle est finalement banal. Comme la femme? En fin de texte, le narrateur a fait son choix, après un récit marqué par l'urgence amoureuse, qui fait écho aux contraintes temporelles indissociables des funérailles de la mère du personnage mis en scène.

Trois auteurs, trois lectures du chocolat, qu'il soit suisse ou belge: l'envoûtement est au rendez-vous à chaque page de ce précieux recueil, finement conçu pour une lecture des plus confortables. Voilà, par excellence, un bel ouvrage, sensuel, succulent à plus d'un titre, aussi accrocheur qu'une boîte de chocolats dont on dévore les délices un à un en se promettant à chaque fois que ce sera le dernier. À déguster avec un ballotin de pralinés à portée de main!

Collectif, Chocolat, noir de préférence, Genève, A3 Haute Edition, 2024.

Le site des éditions A3 Haute Edition, celui d'Olivia Gerig.

Il l'a aussi lu: Francis Richard.

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