Sylvie Zaech – Une boutique où l'on lave son linge entre voisins peut-il devenir le centre de l'univers? C'est en tout cas ici que l'auteure Sylvie Zaech place le centre de gravité de "La Laverie", situé dans une ville qui aime elle-même se voir comme le milieu du monde: Paris. Paru une première fois en 1998, ce court roman vient d'être réédité dans une version définitive, retravaillée par la romancière, aux éditions InFolio.
Ce sont pourtant des anonymes qui se côtoient autour de la machine à laver et du séchoir de la petite laverie décrite par la romancière. Tous se connaissent plus ou moins, tous ont partie liée sans nécessairement le savoir et hantent le même quartier, côté Bastille, que l'auteure esquisse en mettant en avant quelques bars et boutiques.
Traçant ces liens plus ou moins pointillés avec finesse, l'auteure les suit de façon plus ou moins lâche: il y aura Lisa la traductrice un brin sauvage, un Vietnamien âgé qui marche avec une canne, Pierre le professeur qui plaît aux jeunes femmes auxquelles il enseigne, François et la maison dont il a hérité dans le Jura français, Jim l'Américain qui balance entre deux cœurs, et quelques autres.
Autant de personnages dont les vies s'entremêlent comme le linge dans une machine à laver, ce linge que l'un des personnages aime bien regarder tourner, s'humidifier et se mélanger dans le tambour, à travers la fenêtre de l'appareil. Et c'est avec tendresse, voire avec un certain sourire, que l'écrivaine les regarde vivre, se débattre avec leurs amours marquées par le gris des habitudes ou par l'amertume des phrases et des situations qui font de la peine. Ces vécus, bien sûr, résonnent avec les ressentis très personnels, ceux qu'on ne dit pas mais qu'on peut avoir lorsqu'on sort laver son linge en un lieu où l'on n'est pas seul à le faire.
"La Laverie" est construit en une multitude de courts chapitres, d'une bonne page environ. Le lecteur est ainsi invité à suivre tour à tour chacun des personnages, tournoyant autour du centre que constitue la laverie, une laverie tenue par un vieil homme qui tend à oublier des souvenirs devenus l'écume de ses jours. Ainsi, "La Laverie" allie avec succès la rapidité narrative et la densité d'un propos qui sonne juste et affectionne les demi-teintes délicates, celles qu'un lavage trop vigoureux pourrait abîmer...
Sylvie Zaech, La Laverie, Gollion, InFolio, 2022/première édition Lausanne, L'Age d'Homme, 1998.
Le site de Sylvie Zaech, celui des éditions InFolio, celui des éditions L'Age d'Homme.
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