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vendredi 5 août 2022

"Casimodo Royal": Gordon Zola secoue les codes de James Bond, et au shaker!

Gordon Zola – Les amateurs de James Bond, et je sais qu'il y en a parmi les abonnés de ce blog, apprécieront sans doute à sa juste valeur "Casimodo Royal", premier roman d'une série qui ambitionne de parodier les films de James Bond. L'auteur? C'est l'expert ès parodies Gordon Zola, connu grâce à sa série des "Saint-Tin et son ami Lou" et à d'innombrables romans qui font à la fois rire et réfléchir.

"Casimodo Royal", c'est des jeux de mots à tour de bras, les plus fins côtoyant les plus improbables, sans oublier les plus attendus qu'on aime quand même, pour offrir au lecteur une occasion de rigoler à chaque phrase ou presque. C'est aussi un humour de situation maîtrisé et astucieux, par exemple lorsqu'une vieille dame aux airs d'Agatha Christie démente croit jouer au bridge alors qu'elle est embarquée dans un tournoi de poker sélect. Enfin, c'est un jeu parfaitement assumé sur les genres et les sexes, qui débute par le renversement ultime: l'alter ego de James Bond dans "Casimodo Royal" s'appelle Jane Bomb, matricule Eros Eros 7, et c'est une femme. Voilà qui promet un roman complètement secoué! Et au shaker, pas à la cuillère, s'il vous plaît... 

L'intrigue, bien entendu, mêle réalité et fiction en supposant que tous les acteurs qui ont joué James Bond au cinéma sont en réalité de véritables agents secrets au service du MI7 – héritier du MI6 du bon vieux temps de James Bond. Face à eux, Casimodo Royal, résurgence du personnage cher à Victor Hugo, que le lecteur voit apparaître dans une scène initiale particulièrement réussie en termes d'interpolation: le bonhomme fait partie du comité suprême du SPOULPE, présidé par Ernesto Bluff-Hell, qui s'est donné pour mission de dominer le monde par la terreur, et ce comité, qu'on voit réuni à Paris, a toutes les allures d'une concentration de gargouilles de Notre-Dame.

L'auteur revisite avec méthode et brio les codes indissociables de la série de films qui met en scène l'agent 007. Le lecteur se délectera ainsi du service Q, rebaptisé G. Point (le Point Gadget...) et comme toujours apte à proposer tout et n'importe quoi – sachant que même les trucs les plus improbables ("un slip éjectable, un pistolet d'hôpital à reconnaissance palmaire, une couche-culotte à effet de serre, une radio-suppositoire..." pour ceux-ci, ce sera une autre fois!) finiront par servir, simple question de scénario. Certaines péripéties, qu'il s'agisse du jeu de poker ou d'un voyage en train luxueux à grande vitesse à travers les Balkans, font figure d'hommage amusé aux films de James Bond.

Le fait de donner à l'agent Doubles Eros 7 des traits féminins à travers le personnage de Jane Bomb ouvre la porte à une réflexion, présente sans être moralisatrice (on est quand même là pour rigoler), sur les codes bien virilistes du cycle cinématographique. Cela ne va pas sans heurts, si l'on pense par exemple aux excès du réalisateur Terence Old, obsédé par l'idée de faire de la série de films un truc bien queer. Ce qui va choquer un certain Daniel Craig, le vrai pour le coup, que Jane Bomb est censée surveiller aux quatre coins du monde (Ouganda, Mexique, France, Royaume-Uni, Monténégro, Italie...), sous couverture – sans mauvais jeux de mots, encore que. D'autant plus que pour mettre tout le monde d'accord, l'auteur ne manque pas de glisser plus d'une allusion olé olé dans son propos, qu'il s'agisse d'un décolleté vertigineux ou d'un calembour délicat. C'est la loi du genre... 

Jane Bomb est "l'espionne qui n'a pas froid aux yeux... non plus!", on l'a compris: douée, avec une épaisseur qu'on devine et qui pourrait s'exprimer dans des romans ultérieurs, elle embarque son lectorat dans des aventures où les acrobaties des poursuites vont de pair avec les acrobaties verbales. Structuré en trente scènes de cinéma où l'on croise indifféremment Jackie Chan et ses atémis ou Uma Thurman en tenue jaune, "Casimodo Royal" permet à chacune et à chacun de se gondoler à Venise, en point d'orgue. "Casimodo Royal", c'est beaucoup plus rigolo qu'un roman d'aventures. C'est du grand cinéma (écrit de façon volontiers visuelle, au lecteur de se faire son film!), ça réfléchit tout en déclenchant d'agréables rires et sourires. Et au cœur de l'été 2022 de tous les dangers, ça fait du bien.

Et la fin? Elle s'appelle "A suivre"...

Gordon Zola, Casimodo Royal, Paris, Le Léopard Masqué, 2017.

Le site des éditions du Léopard Masqué.

Lu par K-Libre.



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