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mercredi 17 mars 2021

L'amour et la politique vus comme deux avatars de la boxe thaïe

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Florian Eglin – "Ring": voilà un titre qui est tout un programme. C'est celui que l'écrivain Florian Eglin donne à sa dernière œuvre, qui se présente comme un microroman et vient de paraître aux éditions BSN Press.

Une courte mise en contexte s'impose en préambule: "Ring" est la version définitive d'une histoire parue en feuilleton dans la Tribune de Genève sous le titre "Hôtel de Ville" au printemps 2020. Le lecteur le ressent en particulier par l'actualité évoquée, ainsi que par l'ancrage du propos: si celui-ci est universel, certains éléments parleront davantage à un lectorat de Genève.

Tout tourne autour de Noah, jeune adulte d'origine arménienne désireux de se lancer en politique sous une bannière conservatrice, avec ses qualités et ses défauts à la cuirasse. Il connaîtra le succès des urnes et passera pour un prodige, à la façon d'un Pierre Maudet naguère peut-être, mais à quel prix? 

Le titre est un programme, ai-je dit. Le lecteur sera en effet surpris par les nombreux face-à-face qui émaillent ce court récit qui, souvent dans la confrontation plus ou moins brutale ou feutrée, décline les conflits humains. Cela passe par Julia Koch, la présidente du Parti socialiste local qui joue de ses charmes pour mettre le jeune conservateur dans sa poche (mais interdiction de céder, hein, ce serait du viol!), ou par telle interview télévisée où le journaliste pousse Noah dans ses derniers retranchements. 

Cela, sans parler de la relation amoureuse que Noah entretient avec Lashana. Encore un face-à-face, encore des conflits parfois, mais le plus complexe puisqu'il a une dimension supplémentaire: Lashana et Noah pratiquent la boxe thaïe dans le même club, et s'affrontent même parfois. Leitmotiv de "Ring", la boxe thaïe devient dès lors la métaphore des duels tendres ou verts vécus au quotidien, qu'ils soient verbaux ou physiques.

Ces duels apparaissent aussi à un niveau supérieur, par exemple lorsque l'auteur évoque une société clivée par une pandémie de HAZ qui n'est rien d'autre qu'un calque transparent du covid-19: le débat entre complotistes et orthodoxes est évoqué, dans un esprit de mise en perspective, avec quelques noms tels qu'Ema Krusi ou, me semble-t-il, Jean-Dominique Michel, anthropologue et blogueur pour la Tribune de Genève. Sans oublier Klaus Schwab, patron du Forum de Davos et ordonnateur d'une improbable partie de bouzkachi... 

Et si c'est au travers du personnage de Lashana que ces questionnements émergent, ce n'est pas un hasard: l'auteur a le chic pour donner de la puissance à cette Rwandaise à l'esprit farouchement libre, capable de poser les questions qui dérangent. 

D'ailleurs, rien ne semble rapprocher Noah de Lashana au-delà d'un loisir commun. Pourtant, tous deux portent le fardeau d'un passé mêlé à un génocide, que chacun gère à sa manière. Dès lors, vaut-il la peine de prendre encore des coups sur le ring, que ce soit sur celui de la boxe thaïe ou celui que ménagent les requins du milieu conservateur genevois? Ou vaut-il mieux s'envoler sur les ailes de l'amour – cette manière de face à face où, comme pour la boxe thaïe, on n'arrive à rien sans cœur?

La ville de Genève apparaît à travers mille allusions dans "Ring", qui cite plus d'un établissement public chargé d'histoire, à commencer par celui que hanta Lénine dans ses jeunes années. Même le père Glôzu, cafetier légendaire récemment décédé, parvient à balader son fantôme dans les lignes de ce court roman. Il y a aussi la mention de tel ou tel quartier, ou de l'un ou l'autre ancêtre marquant.

"Ring" est un roman riche, capable de dessiner en peu de lignes des rapports humains tendus et violents sous des dehors feutrés, dont certains aspects auraient même mérité d'être développés davantage. Profondément actuel par le contexte, intemporel voire universel par la description de rapports humains qui sont souvent faits de duels et de confrontations, il est porté par une écriture efficace et directe, qui flirte parfois avec la familiarité de l'oral pour davantage de pugnacité.

Florian Eglin, Ring, Lausanne, BSN Press, 2021.

Lu par Francis Richard.

2 commentaires:

  1. ça fait un peu peur, surtout l'aspect politique mais pourquoi pas, ...

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    1. Pas de panique: les choses restent universelles même si c'est un peu le lac aux requins. Une belle découverte, à essayer!

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