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jeudi 28 janvier 2021

Des lettres pour déconstruire le deuil, l'amour, la littérature

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Régis Jauffret – Ecrire une lettre à ceux qui sont dans l'au-delà: plus d'un en a sans doute rêvé. Recevoir une réponse? C'est moins évident. Tel est pourtant l'hypothétique aller et retour épistolier que l'écrivain Régis Jauffret met en mots dans "Lacrimosa". Du côté des anges, on trouve Charlotte. Et du côté de la vie terrestre, un romancier bizarre qui fait figure de narrateur.

Surprise: loin de s'inscrire dans le sillon banal de la passion impossible, la dynamique du récit s'avère électrique. Entre les deux personnages, le jeu s'avère pour ainsi dire conflictuel. L'auteur pose ses balises d'emblée: dans sa première lettre, l'écrivain mis en scène dans "Lacrimosa" vouvoie soudain sa défunte amante, la mettant ainsi curieusement à distance. 

Ce qu'elle relève! Ce n'est que le prélude à une démystification méthodique de l'épistolier demeuré vivant. Cela, en tant qu'être humain, en démasquant ses faiblesses et hypocrisies, par exemple des larmes surjouées au moment des funérailles. Mais les lettres de Charlotte, ricanantes, sont aussi une déconstruction de l'art de l'écrivain, systématiquement réduit à ses artifices, à son jeu de masques.

Pourtant, les lettres de l'écrivain ont aussi leur chic. Le lecteur gourmand en apprécie la musique cynique et grinçante, pétrie de vannes volontiers cruelles contre les uns et les autres. Et il sera servi! Mais l'écrivain du roman n'en fait-il pas un peu trop? Ses lettres pourraient alors apparaître comme une tentative de reconquête de sa part, mû par le désir d'aimer un fantôme. Ou un squelette... 

Décalée, l'ambiance de "Lacrimosa" est aussi piquante, pour ne pas dire abrasive. Elle véhicule une tentative réussie de démystification des amours impossibles, des figures imposées du deuil (il faut pleurer, il faut prier), et de l'art d'écrire des livres, en y épinglant tant qu'à faire des gens qu'on a intimement connus. Et comme l'écrivain amoureux n'est pas nommé, il est permis de se dire que c'est à lui-même que Régis Jauffret, en virtuose désenchanté, fait ainsi procès.

Régis Jauffret, Lacrimosa, Paris, Gallimard, 2008.

Le site des éditions Gallimard.

Ils l'ont aussi lu: Cecibondelire, ExcessifLaure LimongiLaxeniaL'empreinte des motsLitt & RaturesStéphie, Tony Shaw, Tout pour les femmes.


2 commentaires:

  1. Il ne me tentait pas, pensant bêtement qu'il allait tirer des larmes au lecteur. A tord.

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    1. C'est aussi ce que je craignais. Du coup, l'ambiance grinçante fut une bonne surprise. A essayer donc!

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