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vendredi 20 novembre 2020

Nostalgie des cafés avec Georges Haldas

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Georges Haldas – En ces temps particuliers, vous êtes sans doute nombreux, amis lecteurs de ce blog, à ne plus pouvoir aller prendre un verre dans quelque café, fermeture covidienne oblige. Dès lors, l'envie est là d'aller voir ce que les livres en racontent. Quoi de mieux, dès lors, que de se replonger dans ce recueil de chroniques de caractère intitulé "La légende des cafés"? Mêlant souvenirs, personnes et choses vues, l'écrivain Georges Haldas (1917-2010) y recrée, sur un ton nostalgique, ce qui fait le caractère unique de ces tiers lieux.

Tout commence avec une rapide galerie de portraits, sous le titre "Les horreurs de la nuit", saisis sur le vif à l'heure où l'on sert un café filtre versé directement d'un grand pot. Il y a là les filles qui ont travaillé toute la nuit, ou l'ouvrier en vadrouille qui a mangé la moitié de sa paie en quelques heures (tournées générales, filles, etc.), recherchant au café quelques minutes de répit avant l'inévitable explication familiale. Il y a aussi ces personnages en proie à l'alcool, qu'on calme en leur disant avec une ferme douceur de rentrer chez eux. En décrivant tous ceux-là, leur misère, mais aussi le sourire du désespoir, l'auteur fait montre d'une immense tendresse.

Son regard se balade sur d'autres personnes encore. Il y a là de l'amertume lorsqu'il décrit ce musicien d'orchestre de danse, virtuose contrarié qui n'a pas réussi à percer, auquel on concède le droit de jouer du Chopin entre deux musiques légères – en soulignant à grands cris, pour le présenter, une excellence qu'il a en fait perdue. Les papes de la restauration, perdants magnifiques parfois, ont aussi leur face tragique. L'auteur sait dès lors se faire flamboyant pour décrire en particulier ce patron de bistrot qui, impérial, liturgique, n'a pas son pareil pour couper les tranches de jambon. Il dépeint aussi sa décadence, au rythme dicté par l'alcoolisme et les bistrots qui ne marchent pas sous sa férule.

Des bistrots? En esquisses rapides, l'auteur en fait le portrait, en recrée l'ambiance. Certains sont bien cernés, par exemple cette "Grotte aux fées" où l'on va pour les filles – un lieu entre discrétion et spectacle, où s'exprime aussi une certaine misère. En évoquant un endroit similaire qu'il a visité à Munich, l'auteur rappelle incidemment que les humains sont tous un peu les mêmes, que ce soit dans une petite ville qui pourrait être Genève ou dans la métropole bavaroise. Seule la discipline change, peut-être...

Il est à noter que bien souvent, les bistrots évoqués, aux noms parfois passe-partout ("le Buffet de la gare", au début, par exemple), sont autant d'établissements disparus. Là pointe cette nostalgie de toujours, portée en étendard par les amateurs de cafés de tous les temps: en matière de bistrots plus encore qu'ailleurs, c'était mieux qu'avant, et l'âme a foutu le camp. C'est ce que suggère l'évocation que fait l'auteur d'un passage dans un café moderne, où l'on lui sert une salade d'apparence superbe, mais qui s'écroule et s'avère insipide dès qu'on y plante la fourchette. Illusion, mensonge!

Une ambiance nostalgique encore soulignée par les illustrations en noir et blanc du livre – auxquelles le format de poche, en les réduisant fortement, ne rend pas entièrement justice. Deux pistes: il y a d'une part ces photos anciennes de cafés et de rues, si anciennes même qu'il est le plus souvent devenu impossible de les situer. Pour déguster, le lecteur n'a qu'à imaginer... Quant aux dessins de Perrine Lanier, qui comprennent de nombreux portraits dessinés sur le vif, ils ont la rapidité précise de l'écrivain et donnent corps aux personnages évoqués au fil des pages. Sont-ce vraiment eux? Pas sûr, mais peu importe. Par le dessin et par l'écrit, "La légende des cafés" évoque une génération d'établissements publics où l'humanité se révèle sans fard, s'y sentant chez elle, et où il était même encore possible de fumer. C'était le mitan du vingtième siècle, en gros: autres temps... 

Georges Haldas, La légende des cafés, Lausanne, L'Age d'Homme, 2010/première édition Lausanne, L'Age d'Homme, 1976.

Le site des éditions L'Age d'Homme.

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