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samedi 4 janvier 2020

Noël sans cadeaux à Paris, ni en Thaïlande

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Gabriel Katz – Aha! J'ai eu envie d'un peu d'exotisme pendant la trêve des confiseurs, et voilà qu'en grattant dans ma pile à lire, j'ai retrouvé "N'oublie pas mon petit soulier", un bon vieux roman de Noël aux ambiances de thriller, où le noir vient s'ajouter au rouge et au blanc, signé Gabriel Katz. Un auteur qui, à en croire ce livre, sait parfaitement piloter une intrigue et construire ses personnages, la rigolade en plus. Voyons ça...


Qu'on en juge: le lecteur suit Benjamin Varenne, comédien à la ramasse condamné à jouer les Père Noël à la sortie des grands magasins de Paris. C'est aussi un homme à femmes – telle est sa faiblesse. Soudain, en effet, une fille trop bien veut faire un selfie avec lui. Chouette? Oui pour le lecteur, non pour Benjamin: c'est ainsi que commence toute une aventure qui mobilise la mafia albanaise et les services secrets français. Tout cela va mener ce petit monde jusqu'en Thaïlande, un pays qu'on aimerait découvrir en des circonstances plus sereines que celles installées par l'auteur. Surtout quand on est à la place du narrateur: parce qu'en tant que lecteur, on s'amuse à fond.

Benjamin Varenne paraît se résigner à son statut de comédien plus ou moins raté, dont la carrière comme la vie personnelle est dans le sable, ou plutôt dans les congères vu la saison hivernale mise en scène. L'auteur lui donne une voix bien personnelle, construite sur un ton ricanant et nihiliste qu'il s'agit de reconstruire au fil des circonstances – de l'humour au sens fort. Si raté qu'il soit, si apte qu'il soit à rire de lui-même aussi, Benjamin Varenne n'est pas préparé à subir de sérieuses menaces de mort, d'autant moins si elles sont liées à une femme. Succès: quand on entend le bonhomme parler, on y croit, même lorsqu'il est aux prises avec les surprises les plus inattendues.

C'est que l'intrigue sait étonner. La Thaïlande, c'est pour le moins inattendu, de même que les apparitions à éclipses de Victoire: elle apparaît et disparaît de façon opportune pour nourrir l'histoire. Belle comme le jour, riche à millions par procuration puis pour de vrai, elle fait figure de personnage qu'on adore retrouver, même si elle joue un double jeu vénéneux qui ne permet jamais de savoir si elle est sincèrement amoureuse. Un jeu crédible: dans une logique d'hypergamie, une fille dans la vingtaine est facilement tentée de faire monter les enchères. Mais est-ce ici une stratégie de défense? En effet, l'auteur relève qu'une jeune femme riche comme Victoire ne sait jamais si elle est aimée pour elle-même ou pour son argent. Cela dit, il suffit qu'en face, un gars soit suffisamment fou pour la suivre jusqu'au bout du monde pour qu'une intrigue super trouble, aventureuse, amoureuse et humoristique survienne.

Deux mots sur l'ambiance... Pour commencer, l'auteur joue avec le folklore du Noël des grands magasins – l'esprit fait penser à l'exquise nouvelle "Houppelande Blues" d'Olivier Chapuis, publiée à la fin 2019 dans le collectif "Et si la neige ne revenait pas". On a affaire à un de ces faux Pères Noël de supermarché, et Gabriel Katz, comme Olivier Chapuis après lui, s'attachent, voire s'acharnent à démonter un bonhomme mythique au profil déjà légèrement effrité par son côté commercial. Fausses barbes souillées dans la boue sale, rennes en grève, neige qu'on aimerait voir tomber du ciel, enfants pénibles aux réactions inattendues, parents râleurs: Gabriel Katz n'en loupe pas une. Quant à la Thaïlande, le curry a toujours un petit goût amer, même si Benjamin sait en apprécier les plaisirs dans toute la mesure du possible.

Brodant avec esprit sur le célèbre "Petit Papa Noël" de Tino Rossi, retournant les codes convenus du Noël blanc (ça va jusqu'aux couleurs: il y a du rouge et du blanc chez Victoire, comme sur la houppelande du Père Noël), l'écrivain ramène vigoureusement sur Terre tout le petit monde de Noël en le réduisant à ce qu'il peut être: un calvaire (tiens, un mot dont l'étymologie rappelle Pâques! Mais c'est lié...) où la famille n'est d'aucun secours – première d'entre elles, celle du petit Jésus, qui devrait être la star, est d'ailleurs aux abonnés absents. Résultat: fonctionnant en roue libre, décalé et délirant, l'intrigue habile de "N'oublie pas mon petit soulier" apparaît comme un anti-conte de Noël idéal où les personnages ne reçoivent guère de cadeaux.

Gabriel Katz, N'oublie pas mon petit soulier, Paris, Editions du Masque, 2015.

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