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jeudi 1 août 2019

Jean-Guy Soumy: un redoutable "congrès" sous Louis XIV

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Jean-Guy Soumy – "Le Congrès": voilà bien un titre intrigant. On pense à ces réunions de spécialistes d'un domaine donné, qui font alterner de façon agréable et instructive les apéros riches et les conférences. Mais dans le roman de Jean-Guy Soumy qui porte ce titre, il n'est point question de cela. Ce "congrès", qui constitue le grave sommet du récit, n'est rien d'autre qu'un acte sexuel pratiqué en public, afin de prouver aux intéressés et aux juges que l'homme n'est pas impuissant. Cela, dans le contexte des années 1685, alors que les tensions entre catholiques et protestants sont au plus fort dans la France de Louis XIV: la révocation de l'édit de Nantes est à l'ordre du jour.


Pour donner un maximum de force à son roman, l'écrivain l'écrit en phrases volontiers courtes. Celles-ci se déclinent à la première personne, permettant au lecteur de se glisser dans la peau de Guillaume Vallade, Creusois héritier d'une charge de bâtisseur du roi qui l'amène à œuvrer sur le site de Versailles. Et tout commence par un coup de main donné à une famille de lissiers protestants en fuite. Un mariage suivra avec la sœur d'une de ces personnes en fuite, restée au pays et redevenue catholique pour la forme; mais Guillaume conservera le souvenir de celle qu'il a aidée. Un souvenir qui se rattache à l'image récurrente d'un loup, que le lecteur découvre dès les premières pages.

"Le Congrès" déroule dès lors le jeu de relations familiales complexes, non empreintes de jalousies. Ce jeu est décrit de façon habile et claire, donnant à voir l'impuissance du père de Guillaume, vieillard abandonné à plus costaud que lui, et les manœuvres d'une parentèle avide de places honorables. Dès lors, le gros du roman "Le Congrès" dessine un monde de craintes et d'incertitudes, de dialogues où chaque réplique est un champ de mines. A telle enseigne qu'il faut prendre un avocat pour faire face... un avocat qui se paie de mots et paraît bien impuissant, même s'il faut dire aussi que ceux qu'il assiste ne sont pas bien habiles non plus.

Du coup, Guillaume Vallade et son épouse Jehane n'échappent pas à l'épreuve humiliante du "Congrès". Fort justement, l'écrivain donne un coup de frein au rythme de son roman et se concentre sur ce qui se passe dans le corps et la tête de Guillaume Vallade. Focus, focus: le lecteur tremble avec lui, a envie de lui dire que ce n'est pas comme ça qu'il va y arriver. Quelle dérisoire envie de donner à l'autre des leçons de virilité, pour le lecteur homme! Qui pourrait se vanter d'avoir tout juste dans une telle circonstance? Avec Guillaume Vallade, l'auteur, sans choir dans le voyeurisme, montre ni plus ni moins qu'un être humain, avec ses faiblesses et ses limites, dans une épreuve tragique, extrême, sans gagnant.

Tragique oui, parce que ce "congrès" n'est rien d'autre qu'un piège dans lequel Guillaume va tout perdre. Il ne peut en être autrement: l'auteur dégage une issue originale, inattendue, pour le bénéfice du lecteur mais pas de ses personnages. Une issue qui indique que l'accusé se met à nu, non seulement physiquement, mais aussi au plus profond de ce qu'il pense et ressent, quitte à ce que cette révélation impromptue compromette son mariage. Quant à l'accusation, du haut de son sérieux, elle semble être seule à ne pas s'apercevoir qu'elle est ridicule. Piètre consolation, pour ceux qui ont subi l'épreuve...

Reste par ailleurs, en filigrane, l'impression que l'auteur a joué, au-delà de la guerre de religion et des intrigues, une opposition entre la vie à la ville, où les pièges sont partout derrière les bienveillances apparentes, et la vie en périphérie, en l'occurrence en Marche, au fond de la Creuse, près d'une campagne qui peut être violente (réels ou fantasmes, les loups mordent aussi) ou s'avérer une retraite envisageable. Cela, après avoir renoncé à la fuite vers l'Angleterre, les Pays-Bas ou la Suisse, destinations visées par ceux qu'on appelle dès lors les huguenots, harcelés – le lecteur du "Congrès" en sait quelque chose, tout comme celui qui a lu "Crécelle et ses brigands" de Michaël Perruchoud, qui évoque la question du côté de Genève, montrant le destin d'horlogers réformés devenus réfugiés – par le roi et ses dragons.

Jean-Guy Soumy, Le Congrès, Paris, Robert Laffont, 2010.

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