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jeudi 9 mai 2019

Jean-Noël von der Weid, quand la poésie et la musique entrent en résonance

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Jean-Noël von der Weid – Cela fait déjà plusieurs semaines que le poète et musicologue Jean-Noël von der Weid a fait paraître le deuxième volume de ses "Papiers sonores". Il est toujours temps de l'évoquer, cependant. Après un premier volume réussi, la seconde brassée de ces papiers offre un sacré voyage musical et poétique, marqué du signe de l'ouverture. Ouverture au jazz comme aux musiques dites classiques, les plus incroyables que l'humain ait écrites, hier comme aujourd'hui. Surtout aujourd'hui, même: comme en d'autres écrits, l'auteur partage sa vision passionnée de la musique du vingtième siècle et de ses compositeurs, si injustement méconnus qu'ils soient.


Pour rappel, la vocation des "papiers sonores" à la façon de Jean-Noël von der Weid est de rapprocher des œuvres musicales et des écrits. Ces derniers peuvent être le fruit de la poésie de l'écrivain, et c'est là que le rapprochement est le meilleur, le plus émouvant. Cela, davantage que les citations extraites par exemple de la correspondance des compositeurs: celles-ci révèlent la vaste culture de l'auteur des "Papier sonores" et placent les œuvres musicales dans leur contexte. Le mode d'emploi est livré avec le livre: le lecteur est invité à lire ces papiers sonores en écoutant la musique proposée, toujours présenté par un préambule superbement écrit. Donc, lire, cliquer, écouter: à faire dans l'ordre ou dans le désordre.

En écoutant la musique au casque à l'aide de liens données par l'éditeur, chacun est invité à découvrir des compositeurs et des œuvres plus ou moins connues. Qui se souvient par exemple de la truculente "Musique pour les soupers du roi Ubu" de Bernd Alois Zimmermann? Cela n'est qu'un aspect: dans sa promenade, l'auteur réussit à rapprocher les musiques les plus diverses. Le jazz, c'est avant tout "Strange Fruit" de Billie Holliday; et côté classique, tout commence avec la "Sonate numéro 22" de Franz Schubert. Il sera aussi question de Brian Ferneyhough comme d'Alexandre Mossolov, de Galina Oustvolskaya comme d'Elisabeth Jacquet de la Guerre – l'occasion, pour l'auteur des "Papiers sonores", de rappeler le statut peu évident de la femme compositrice à travers les âges.

Et lorsque l'auteur prend la peine de les évoquer avec ses mots à lui plutôt qu'en recourant à des chroniqueurs ou aux témoins de leur temps (encore que: qu'il est jouissif de relire la "Marche de décervellage" d'Alfred Jarry!... Et quel plaisir de lire tous ces témoignages de contemporains!), il offre à chaque fois un éclairage vivant, rythmé de façon à chaque fois différente et adéquate. Idéalement, c'est-à-dire lorsque l'auteur recrée lui-même la musique de la pièce évoquée ("Miss Ann" d'Eric Dolphy, à lire "d'une voix monocorde"), la musique du poète va à la rencontre de celle du musicien.

Dans ce livre, l'écrivain creuse et élargit le sillon qu'il a dessiné dans un premier volume. Ouvrant la porte du jazz, goûtant les musiques de fort caractère, il va jusqu'à conférer un surcroît de culture à cette approche qui fait le trait d'union entre les mots et la musique – les musiques, diraient certains, mais dans "Papiers sonores", la musique est unique et diverse à la fois. Par leur juxtaposition, en effet, les quarante pièces évoquées dans ce tome 2 des "Papiers sonores" révèlent toute leur singularité. Mais voilà ce qui les réunit: la musique est avant tout poésie, donc langage pluriel. Les deux genres sont faits pour s'entendre et résonner entre eux, et c'est ce que le travail de Jean-Noël von der Weid souligne.

"Papiers sonores", c'est donc tout un monde, recréé au fil d'un ensemble de textes pétris de résonances et de talent. Avide de découvertes, ce monde poétique et musical assume d'alterner les œuvres qui flattent l'oreille et celles qui s'avèrent plus difficiles. L'auteur prend même le risque de surprendre, voire de mettre en avant des musiques pour ainsi dire inhumaines, comme celle de Conlon Nancarrow, physiquement injouable parce qu'elle a été écrite pour piano mécanique. Et même lorsqu'il aborde des pièces mille fois entendues, à l'instar de l'ouverture de "Carmen" de Bizet ou des "Tableaux d'une exposition" de Moussorgski, l'écrivain les revisite et porte sur elles un regard historique qui les dépoussière.

Jean-Noël von der Weid, Papiers sonores II, Paris, Aedam Musicae, 2019.

Le site des éditions Aedam Musicae, celui de Jean-Noël von der Weid.

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