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dimanche 29 avril 2018

Les folles tribulations d'André Pastrella, trente-deux ans

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Joseph Incardona – C'est un plaisir de retrouver le personnage d'André Pastrella, alter ego littéraire de l'écrivain Joseph Incardona et personnage récurrent dans son œuvre. Les lecteurs l'ont découvert âgé de douze ans dans "Permis C". Dans "Banana Spleen", c'est un homme de trente-deux ans qu'ils découvrent, tentant d'être écrivain. Un bonhomme fidèle à lui-même aussi, tricard partout, ce qu'il cherche quand même un peu. "Banana Spleen" a connu une première édition en 2006; les éditions BSN Press en ont publié tout dernièrement une nouvelle édition revue et augmentée. A noter que le titre de ce roman n'a rien à voir avec un documentaire diffusé sur "Thalassa" dans les années 1990. Si ce n'est l'époque où ça se passe...


Le grain de sable? C'est le décès accidentel de la copine d'André Pastrella, Gina Louasi. L'auteur dépeint dès lors une forme de descente aux enfers, laissant son personnage évoluer en roue libre. C'est amer parfois: l'alcool devient une béquille pour Pastrella, qui perd ses engagements précaires d'enseignant vacataire à la suite d'une crise mystique et doit faire face au chômage et à son monde impitoyable. Mais c'est aussi hilarant, tant André Pastrella fait parfois n'importe quoi: l'humour de répétition, dans une certaine mesure (par la répétition de certaines scènes), mais surtout l'humour de situation a sa place dans "Banana Spleen". En particulier, la scène de l'achat d'un caveau de famille auprès d'une entreprise de pompes funèbres est un monument d'humour. D'autant plus qu'après, une fois acheté, le caveau s'avère bien encombrant...

L'écriture de "Banana Spleen" est percutante. Expressive, toujours cash, elle ne craint pas l'oralité. André Pastrella est facilement une grande gueule, et ses vannes font mouche. Cela, tout comme le baratin qu'il improvise pour fourguer à de nouveaux locataires de son appartement le sapin de Noël desséché qu'il n'a jamais voulu jeter: parodie cruelle du discours creux d'un certain art contemporain.

Avec un gaillard comme André Pastrella, bien sûr, les relations avec les autres ne peuvent être que problématiques. Cela, d'autant plus que certains personnages de l'entourage de Pastrella ne sont pas piqués des vers et que Pastrella lui-même a parfois de la peine à reconnaître ses alliés. Du coup, là aussi, c'est cash, vigoureux, sans concession. Il y a ces personnages féminins délirants, que ce soit Judith Klein, professeure de développement personnel délurée, ou sa fille, avec laquelle Pastrella fume et boit du champagne, ou encore la Thaïlandaise qui se balade à poil dans l'appartement qu'elle occupe avec son compagnon.

On le comprend, "Banana Spleen" est un roman fou, carrément déjanté. Certains le rapprochent d'un certain John Fante, auquel l'auteur rend du reste un petit hommage en forme de clin d'œil. Mais sa structure est solide: il est divisé en parties qui sont autant de titres de nouvelles, dont l'écriture est évoquée au fil des pages – ce qui permet à l'auteur de placer des histoires dans l'histoire, afin de la démultiplier. Ainsi indiqué, avec en finale l'envoi des textes à un éditeur (sans qu'on sache ce qu'il en adviendra), le fil rouge thématique de la littérature suggère au lecteur que "Banana Spleen" est un roman qui suggère que l'écriture peut être une rédemption, parallèlement à la remontée d'un personnage qui passe son temps à traquer ses démons.

Joseph Incardona, Banana Spleen, Lausanne, BSN Press, 2018.


Le site de Joseph Incardona, celui des éditions BSN Press.

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