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samedi 30 décembre 2017

San-Antonio de Lanzarote à Berne: tiens, fume!

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San-Antonio – Lanzarote, capitale du crime? C'est en tout cas sur cette île des plus touristiques que l'on retrouve l'inspecteur San-Antonio pour sa 172e enquête, intitulée "Ceci est bien une pipe". C'était en 1999, et fidèle à lui-même, l'auteur utilise une intrigue policière légèrement brindezingue pour amuser ses lecteurs avec moult péripéties et jeux de mots improbables, autour d'un gang aux ramifications internationales nommé "Le Consortium".

On retrouve dans "Ceci est bien une pipe" le San-Antonio qu'on aime, un brin méprisant pour ses semblables, sous couvert d'humour, à moins qu'ils ne soient de sexe féminin: là, comme d'habitude, il se montre aux aguets, et particulièrement ouvert à tout ce qui se présente: femmes mûres, post-adolescentes, aînées, tout y passe. Cela, pourvu qu'il y ait de la passion de part et d'autre: rien n'est pire qu'une pipe taillée avec consentement, mais sans enthousiasme, comme celle de la bonne du domicile du policier.

Femmes donc: le narrateur en connaît un certain nombre dans ce roman, au sens biblique comme il se doit, et chacune a sa personnalité, que l'auteur met bien en place. On appréciera Nouhr la presque-adolescente, héritière d'un courtier en diamants, et sa fraîcheur. Avec San-Antonio, on vibrera aussi au contact de Mme Magnol, sexagénaire encore verte, ou avec Fridoline, Suisse alémanique massive et ouverte à toutes et à tous. Amicales ou traîtresses, il les lui faut toutes, comme à un nouveau James Bond! Et naturellement, au-dessus de toutes, il y a Félicie, la mère de San-Antonio, et sa bonne cuisine, qui trouve toute sa place appétissante dans "Ceci est bien une pipe".

Le lecteur voyage avec San-Antonio, et cela n'a rien d'exceptionnel: outre Lanzarote, l'auteur promène ses lecteurs jusqu'à Londres et à une Suisse alémanique de fantaisie, dans les abords de Berne, sur la trace d'une improbable Grossmonischbank. Il convient d'ailleurs de relever ici que rares sont les romans de San-Antonio qui ne font pas au moins une allusion, si furtive qu'elle soit, à la Suisse. Un tropisme qui, dans "Ceci est bien une pipe", se retrouve dans les quelques helvétismes glissés dans le texte: il est piquant de voir le très français Alexandre-Benoît Bérurier parler de "Natel" pour évoquer un téléphone portable.

Justement, les mots... là encore, la musique de San-Antonio est fidèle à elle-même. On y retrouve les habituels jeux de mots, les fautes de français voulues (quel massacre du passé simple, ah là là!) et les autres plaisanteries potaches. Le narrateur fait du reste à plus d'une reprise des clins d'œil aux membres de l'Académie française, créant en appels de notes des citations fictives d'Immortels tels que Jean Dutourd ou Valéry Giscard d'Estaing, pour ne citer qu'eux. Côté narration, on pardonnera à l'auteur quelques invraisemblances, par exemple la mention d'un tatouage sur la fesse d'une dame, alors qu'il n'a pas encore vu ladite personne nue.

"Ceci est bien une pipe" est donc un San-Antonio parfaitement comme on les aime, bien équilibré, rapide et ludique, amusant bien entendu. Aux côtés du commissaire devenu directeur puis chômeur, on retrouve un Bérurier fidèle à lui-même, mais peu présent, et un Jérémie Blanc qui joue admirablement les seconds rôles et hérite d'une cascade de surnoms, euh, hauts en couleur. Cela, sans oublier le chien Salami, petit nouveau dans la galaxie des personnages de San-Antonio.

A noter, enfin, que le roman "Ceci est bien une pipe", s'il n'a pas grand-chose à voir avec René Magritte, est quand même un Super San-Antonio complété par un guide de lecture des œuvres complètes de l'écrivain élaboré par Raymond Milési, connaisseur s'il en est de l'écrivain. L'édition originale, complètement timbrée, compte par ailleurs deux planches de timbres reprenant des couvertures d'anciens livres de San-Antonio. Les fans apprécieront et partageront!

San-Antonio, Ceci est bien une pipe, Paris, Fleuve Noir, 1999. 

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