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mercredi 9 août 2017

Quelques pages de la vie d'Aline Descloux

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Trente-deux ans, une vie presque normale et bien réglée à l'ombre des bâtiments de Fribourg: tel est le lot d'Aline, qui habite chez sa mère et vit avec un léger handicap psychique avec lequel il lui faut bien composer. C'est le propos de "La Vie d'une trentenaire", premier livre, rédigé sous la forme d'un journal par l'écrivaine Aline Descloux et publié par la Société des écrivains.


L'existence s'écoule sereine, ou presque, pour Aline Descloux, la diariste. Ce "presque" a son importance: jamais nommé, mais suggérée, entre autres par le nom des médicaments utilisés (Temesta, entre autres), le handicap d'Aline l'empêche d'avoir une activité professionnelle autre qu'occasionnelle. Sa vie se passe donc entre des plaisirs domestiques ou urbains, finalement banals: télévision (ah, le rituel de "Tout le monde veut prendre sa place" ou de "Motus"!), fitness et course à pied, casino le mercredi et courrier chaque matin, dans l'espoir d'avoir gagné un lot à un jeu-concours.

Peu d'action, peu de dramatisation donc: il en résulte une ambiance en demi-teinte, entre acceptation résignée, voire souriante, d'une situation et tentation de goûter à autre chose, parfois - par exemple lorsque l'on pense à l'ambivalence dont Aline fait preuve face aux relations amoureuses. Mais la vie s'écoule, sans grandes surprises...

"En fait, j'adore parler de moi!", annonce d'emblée Aline. Et c'est vrai: le lecteur goûte aux moindres détails de son existence. L'écriture se fait pétillante par moments, sait être rythmée, comme si la diariste tenait son journal heure par heure plutôt que jour après jour - quitte à ce que le lecteur ait l'impression qu'elle prend des notes alors qu'elle fait tout autre chose. L'auteure paraît prendre cette liberté face à la stricte forme du journal pour se rapprocher du rythme du roman. Une impression accentuée aussi par moments, lorsque la diariste semble s'adresser non pas à son journal intime, mais à des lecteurs.

Parler d'elle, pour Aline, c'est aussi parler de son entourage. Entre disputes qui ne durent guère et moments de complicité, la relation entre elle et sa mère est bien exposée: à trente-deux ans, plutôt que comme la fille de sa mère, elle se considère comme sa colocataire, et les tâches et charges domestiques sont bien réparties: le "syndrome du très célèbre Tanguy" paraît bien vécu de part et d'autre, exempt des tensions incessantes qui font tout le sel du film d'Etienne Chatiliez.

Au-delà de sa mère, l'entourage d'Aline, c'est aussi un petit monde de personnes volontiers heurtées par la vie, malades physiquement ou psychiquement: telle amie est en institution, mais le contact, pas toujours aisé, persiste grâce aux SMS et au téléphone; telle autre est bipolaire; une voisine souffre d'obésité; un voisin est expulsé de son appartement parce qu'il a son franc-parler. La diariste en parle avec tendresse, et surtout avec empathie, dans le souhait que cela aille mieux pour chacune et chacun. Il y a aussi du bonheur dans la description des relations qu'Aline entretient avec sa soeur et la famille qu'elle a fondée.

Nourrie probablement par le vécu de l'auteure, cette vie se déroule à Fribourg, une petite ville que l'on reconnaît bien, avec quelques lieux et adresses que chaque Fribourgeois a pu hanter: le Boccalino (plus connu pour ses pizzas et surtout sa chasse que pour ses fondues - mais Aline et sa mère sont végétariennes), le restaurant Mirabeau, le garage Vuichard (et l'un de ses collaborateurs, indélicat...), les centres commerciaux où il fait bon faire des achats en flânant. L'ambiance locale est encore soulignée par quelques tours de langage typiques qui donnent au style une teinte nature, spontanée, sans apprêts.

Aline Descloux, La Vie d'une trentenaire, tome 1: toujours à la maison, Paris, Société des écrivains, 2015.

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