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mardi 1 août 2017

De la musique avant toute chose! Puis vient la poésie avec Jean-Noël von der Weid...

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Pourquoi ne pas associer deux arts, la poésie et la musique? Après tout, ce sont deux manières de créer de la musique, agréable à l'oreille et à l'âme, susceptibles d'accéder à des sensations supérieures. Avec "Papiers sonores", l'écrivain et musicologue suisse Jean-Noël von der Weid joue les passeurs, à travers près de cinquante oeuvres choisies et qui lui tiennent à cœur: avec succès, il répond, dans son langage de poète, aux multiples langages des musiciens d'hier et de (presque) aujourd'hui. Vocabulaire, rythme, ponctuation: face aux musiciens, Jean-Noël von der Weid l'écrivain fait résonner les mille et un registres de ce grand orgue qu'on appelle la langue française. Et à chaque fois, quelle que soit la ponctuation ou le registre de langage, l'instrument sonne juste...

Que le lecteur de "Papiers sonores" soit prévenu, en préambule: si travaillés qu'ils soient, les textes de Jean-Noël von der Weid paraîtront abstraits, voire arides, s'ils ne sont pas accompagnés d'une écoute simultanée des pièces évoquées dans ce livre de prose poétique. L'idéal est donc de lire "Papiers sonores" en écoutant les pièces évoquées, et même de laisser résonner celles-ci. D'heureuse façon, l'auteur indique donc au lecteur où trouver des enregistrements des musiques dont il parle. Cela dit, évoquons ce qui est plus qu'une lecture: une expérience totale.

Un grand orgue verbal, ai-je dit... tout commence, nécessairement, par l'essentiel Jean-Sébastien Bach et son "Offrande musicale". Génie du poète, d'emblée: celui-ci recrée avec ses mots littéraires le génie du musicien. Cela passe par un jeu serré de sonorités et d'allitérations, mêlé à un discours clair sur ce dont il est question. Il en résulte une clarté du discours mariée à la musique des mots, révélant le regard pertinent du poète écrivain sur le poète compositeur. Et s'il n'y avait que Bach! Du Moyen Age aux compositeurs d'aujourd'hui, ça sonne juste à chaque fois, et suscite l'émotion parfois débordante du lecteur auditeur. Une émotion pour ainsi dire évidente, par exemple à l'écoute et lecture de la complainte de "The Fairy Queen" de Henry Purcell.

Ces démarches poétiques, conçues en écho à la musique, titillent aussi le monde de la musique dite contemporaine, dévoilée dans toute sa diversité. Le poète joue dès lors sur la ponctuation, rare ou au contraire surabondante, pour recréer par exemple l'envoûtement du Silvestre Revueltas, compositeur mexicain de "Fiestas", ou, au contraire, des jeux de points de suspension, d'exclamation ou d'interrogation d'"Arcana" d'Edgard Varèse. Il arrive qu'à l'esprit du lecteur, les mots n'aient plus guère de sens. Peu importe: qu'il se laisse alors porter par leur seule musique. Il arrive même que l'auteur laisse parler les poètes du temps passé, et que l'on soit tenté de les lire dans sa tête, à l'ancienne, en roulant les "r" et en prononçant "ouè" les "oi" - par exemple avec "Les ombres errantes" de François Couperin, qui amène le lecteur directement à la cour du roi.

On pourrait considérer "Papiers sonores" comme une simple description d'oeuvres d'hier et d'aujourd'hui, et cette vision, qu'on pourrait qualifier de pédagogique, est indéniablement présente, ne serait-ce que par les textes introductifs à chaque chapitre, d'ailleurs révélateurs des enthousiasmes de l'écrivain. Mais l'oeuvre du poète va plus loin, donnant libre cours aux contrastes et développant son propre chant avec ses outils: elle suggère des liens à travers les siècles ("Wiener Blut" de Johann Strauss Fils contre "La Valse" de Maurice Ravel, pour ne donner qu'un seul exemple, le plus évident) et va jusqu'à faire vivre ou revivre des compositeurs méconnus d'hier ou d'aujourd'hui, tels - pour ne citer qu'eux - que Nicolas Gombert ou Olga Neuwirth. Il arrive enfin que la mise en écho des démarches musicale et littéraire étonne le lecteur, qui se sentira soudain gavé d'impressions poétiques débordantes, par exemple lorsqu'il s'agit de lire et d'écouter "Mysteries of the Macabre" de György Ligeti ou "Schwarzer und roter Tanz" de Wolfgang Rihm. De la part de Jean-Noël von der Weid, cela fait partie d'une démarche réussie qui met en dialogue la musique et la poésie, et que le lecteur dégustera idéalement à petites doses pour éviter toute fatigue.

Information utile, pour finir: Jean-Noël von der Weid prépare une deuxième série de "Papiers sonores"...!

Jean-Noël von der Weid, Papiers sonores, Paris, Aedam Musicae, 2016.



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