Pages

mercredi 12 juillet 2017

Penelope Lively, d'autres vies depuis la sienne

livre_galerie_317

Le site de l'éditeur.

Vivre une autre vie: et si l'on déclinait les "si" au fil d'un roman? C'est le projet littéraire qu'a mené à bien l'écrivaine anglaise Penelope Lively. Ce qui donne "Des vies multiples", roman traduit en français par Anne-Cécile Padoux et publié au Mercure de France en 2008.

Roman ou recueil de récits? La structure de l'ouvrage est pour le moins atypique. On pourrait croire qu'elle suit une chronologie, mais c'est assez lâche. Surtout, chacun des huit chapitre constitue une histoire complète aux ambiances diverses. Enfin, il y a un dialogue qui s'installe entre la "véritable" Penelope Lively, qui évoque pudiquement son existence, de façon parfois très personnelle voire intime, au début et parfois à la fin de chaque chapitre, d'une manière presque prosaïque, et les histoires proprement dites d'une vie imaginaire.

S'il faut relever un ordre, c'est peut-être le crescendo dans la dramaturgie, mais celui-ci n'est pas même régulier. En toute première partie, on goûtera ainsi le récit au ton discrètement dramatique d'amours perdues à peine nées, sur un navire militaire qui quitte l'Egypte pour se rendre au Cap avec des colons anglais. Puis un jour, ce sont des livres qui font bouger l'univers d'une vieille dame. Ou des rencontres embarrassées en famille.

Mais au fil de récits apparemment sans lien entre eux, le lecteur devine qu'il y a bien un fil rouge, captivant pour le coup: l'intérêt profond et sincère que l'auteure porte aux relations humaines, dans des situations parfois cruciales. Et celles-ci, si fantasmagoriques qu'elles puissent être (voir la relecture contemporaine hallucinée de l'Odyssée, constituant un dernier chapitre soudain éclatant!), trouvent toujours leur source dans le vécu de l'auteure. Si celle-ci se met en scène, elle ne se travestit pas.

Ce roman aux tonalités le plus souvent sereines est aussi l'occasion, pour l'écrivaine, de développer quelques considérations sur son rapport à la lecture et à l'écriture, notamment en se souvenant d'une enfance où elle a découvert le personnage de Pénélope dans l'Iliade. Une résonance présente dans tout le livre, et qui trouve aussi un écho dans l'évocation des champs de fouilles au chapitre intitulé "Le Temple de Mithra".

Il fait voyager aussi, enfin, dans le temps et dans le monde, entre l'Egypte (l'auteure est elle-même native du Caire), la Corée, et même le Royaume-Uni, de l'immédiat après-guerre jusqu'au seuil du vingt et unième siècle. Elle pose dès lors la question des gens qui changent lorsqu'ils ont été éloignés longtemps de leurs proches, et des retrouvailles entre des gens qui sont devenus des inconnus les uns pour les autres. D'autres vies que la sienne? Oui, et pourtant, c'est toujours à l'existence de l'auteure que l'on revient, avec le plaisir que peut procurer un roman en demi-teintes qui se lit avec aisance.

Penelope Lively, Des vies multiples, Paris, Mercure de France, 2008, traduction par Anne-Cécile Padoux.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Allez-y, lâchez-vous!