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jeudi 22 juin 2017

Des portes entre le monde réel et l'univers du jeu, avec Leslie Héliade

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Lu par Laetitia.

Le site de l'écrivaine - merci pour l'envoi d'un exemplaire!

C'est au restaurant que tout commence, et au casino que tout... s'achève, ou pourrait recommencer. Cela se ressemble-t-il? Voire! Leslie Héliade propose avec "La Clé d'Oriane" un roman fantastique aux discrets accents de romance, entre l'univers virtuel des jeux vidéo et le contexte bien réel de la ville de Paris.

Si ce roman, troisième opus de l'écrivaine, est écrit à la troisième personne, c'est bien en compagnie d'Oriane que le lecteur se trouve. Un personnage qu'il faut apprivoiser: cette dessinatrice de bandes dessinées au look gothique de 26 ans apparaît déprimée, éprouvée par une rupture sentimentale, et un brin immature à force de se réfugier dans le monde des jeux de rôle: l'appétence démesurée pour la préparation d'un mariage d'elfes n'est-elle pas une manière de fuir un réel trop exigeant, ou du moins de le vivre par procuration? De même, on la découvre quasi dépendante aux jeux vidéo où l'on se construit un personnage, à telle enseigne que l'aubergiste qu'elle y croise doit à plusieurs reprises lui dire de revenir au monde réel. Un peu comme il inviterait un client alcoolique à rentrer chez lui.

Deux mondes? Au début, le lecteur découvre deux paysages bien distincts. Le monde du jeu vidéo futuriste Ultimaland 15, élément clé de ce roman, est rendu avec un réalisme qui parlera certainement aux amateurs. Mais pour le grand public, c'est lorsque ces deux univers a priori distincts se mêlent et se révèlent poreux, soit au chapitre 5, que cela devient vraiment captivant. Surprise, en effet: l'histoire décolle lorsqu'un avatar de ce jeu vidéo s'égare à Paris et sollicite l'aide d'Oriane pour que tout rentre dans l'ordre. Cet avatar, c'est Serrure. Et bien sûr, le lecteur va se demander si Oriane a la clé...

Soudain, l'on découvre une Oriane de plus en plus motivée par la mission qui lui tombe dessus. Une Oriane menteuse aussi, prête à tout pour avancer. Le personnage de Serrure est intéressant aussi: invisible à tous sauf à Oriane, il représente l'entrée dans le monde fantastique. Personnage de jeux vidéo, il pense en conséquence, indiquant ses scores et performances chiffrés et s'étonnant qu'à Paris, il n'y ait pas ces solutions miracles qui, parfois, font avancer un jeu de rôle à pas de géant. Pour ne rien gâcher, il est volontiers narquois, ce qui le rend attachant.

Entre les deux, semble se dessiner une romance impossible, bloquée par des choses plus urgentes... et surtout par le caractère mensonger des deux personnages: une Oriane qui n'assume pas complètement et un Serrure qui n'est qu'un personnage avantageux créé par un être humain tout ce qu'il y a de plus normal, susceptible de décevoir. Symbole de cette impossibilité, et en dépit d'une certaine attirance réciproque, aucun baiser ne sera effectivement échangé entre Oriane et Serrure...

En ouvrant les portes entre les mondes réel et virtuel, l'écrivaine interroge chaque lecteur, mine de rien, sur son rapport au réel. Elle accroît la tension de son récit en convoquant régulièrement le regard des autres sur Oriane, soupçonnée d'être folle. Cela, sans oublier les nombreux obstacles qui se dressent sur la voie d'un retour à l'ordre normal. Enfin, porté par une écriture fluide, "La Clé d'Oriane" constitue une lecture plaisante et sage qui revisite le genre fantastique tel qu'il pourrait être au vingt et unième siècle.

Leslie Héliade, La Clé d'Oriane, roman auto-édité, 2017.

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