Lu par Alain Bagnoud.
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Et si la Loi d'Amour régentait toute vie? Journaliste au défunt journal "L'Hebdo", Philippe Le Bé propose avec "Du Vin d'ici à l'Au-Delà" un bref conte philosophique aux ambiances empreintes d'un aimable merveilleux. Cela, en mettant en scène un personnage, Philippe, qui pourrait bien être l'auteur tel qu'il se rêve.
Tout s'ouvre sur son décès, d'un accident de vélo alors qu'il ramène les croissants à la maison, un beau matin. Dès lors, le lecteur est invité à suivre l'esprit de Philippe, errant au purgatoire, puis amené par un ange gardien vers une planète où règne l'harmonie, fondée sur la "Loi d'Amour". Cette planète, c'est Tiphéret.
Plutôt que d'offrir une vision globale de ce que pourrait être la mise en oeuvre de cette Loi d'Amour, l'écrivain choisit de tourner son regard vers quelques aspects. Surpris, le narrateur, Philippe donc, voit des personnages qui se punissent eux-mêmes d'avoir failli à la loi. Il rencontre des personnages qui, en maîtres affables (et qui semblent se considérer comme un peu supérieurs aux habitants d'autres planètes, bien qu'ils se défendent de tels sentiments), le guident dans un monde qu'il peut appréhender mais qui le surprend toujours. Enfin, il y aura un passage à l'école, où la pédagogie s'avère à la fois bienveillante et stimulante.
Le monde décrit a par ailleurs des airs de science-fiction, avec ses véhicules futuristes volants nommés "glisse en l'air", qui servent de moyen de transport à celles et ceux qui ne sont pas doués pour la téléportation, ou avec son "planétoscope", téléviseur qui constitue une lucarne sur l'ensemble de l'univers. Enfin, le système politique qui régit tout cela relève de la synarchie telle que l'a conçue Joseph Alexandre Saint-Yves d'Alveydre (1842-1909).
Cette manière de faire indique peut-être les thèmes auxquels l'écrivain tient particulièrement. Surtout, elle évite de brosser l'intégralité du tableau d'une telle société, régie par un amour pour ainsi dire totalitaire qui, à vues humaines, pourrait vite trouver ses limites, dès lors qu'il faut choisir entre deux biens... ou deux maux. Et alors que l'amour guide les habitants de Tiphéret, il ne sera guère question de sentiments ou de passion dans "Du Vin d'ici à l'Au-Delà", si ce n'est sous la forme platonique d'un orgasme collectif amical: le "cercle d'énergie amorisante". Enfin, si l'auteur cite des personnalités et auteurs bien terriens et connus, il paraît glisser dessus; sa description du système politique synarchique, en particulier, ne convainc pas tout à fait.
Du rêve, "Du Vin d'ici à l'Au-Delà" a les contours flous et le développement libre. Agréable à lire, ce livre laisse toutefois une impression de superficialité, et aurait mérité des développements plus en profondeur, quitte à oser mettre en scène quelques vrais méchants (il n'y en a guère dans ce livre) pour accentuer la tension dramatique - et mettre en péril l'harmonie sûre d'elle, un brin ennuyeuse, de Tiphéret.
Il convient toutefois de se souvenir qu'il s'agit d'un conte. Dès lors, il est permis aussi de considérer "Du Vin d'ici à l'Au-Delà" comme une invitation faite au lecteur à imaginer ce que serait vraiment ce monde plein d'harmonie, promesse d'une réincarnation pour certains de ceux qui l'habitent, que l'écrivain a ébauché.
Et le titre, alors? Fondé sur un jeu de mots bien connu, il renvoie à un personnage errant qui n'apparaît que deux fois, la première fois assoiffé d'alcool, la seconde fois heureux de ne plus en vouloir. L'atteinte d'une telle ataraxie est aussi une forme d'harmonie personnelle; et au fond, chacun d'entre nous n'y aspire-t-il pas?
Philippe Le Bé, Du Vin d'ici à l'Au-Delà, Vevey, L'Aire, 2011.
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