Avec "Délit de fuite", l'écrivaine franco-suisse Catherine Gaillard-Sarron poursuit son exploration des genres littéraires en offrant un premier polar. Auto-édité avec soin, celui-ci a paru en fin d'année dernière, quelque temps après son premier roman "Allons voir si la rose...", qui fait suite à plusieurs recueils de nouvelles et de poésie.
C'est un fait divers qui constitue le noeud de l'intrigue de "Délit de fuite": une voiture fonce sur une personne qui traverse la route, celle-ci meurt. Accident? Cela aurait pu se passer ainsi. Mais Annie Belmont, témoin oculaire, vient faire une déposition qui sème le trouble et s'avère cruciale pour l'enquête. Il y a anguille sous roche... et autour du commissaire Henry Baud, les policiers explorent toutes les pistes.
L'auteure construit avec Henry Baud un personnage à la fois discret et attachant: on le voit oeuvrer avec méthode, de façon bien carrée, et coacher son escouade d'inspecteurs en les priant à plus d'une reprise de ne pas prendre d'initiatives. En contrepoint, l'auteure sait réserver des plages de légèreté autour de ce bonhomme: celui-ci a une copine, une vraie complice, qu'il rencontre selon un rituel précis (deux jours par semaine seulement). Le lecteur goûtera les dialogues piquants qui s'installent entre les deux amants!
Enfin, Henry Baud est un passionné de puzzles, ce qui lui vaut le surnom de Monsieur Dix Mille Pièces. Ces puzzles, il les résout comme ses enquêtes: avec méthode et concentration. Le parallèle entre une intrigue policière à indices, qu'il faut collecter et faire coïncider pour reconstruire la vérité, et la construction d'un puzzle s'avère évidente. Enfin, il est permis de voir dans ce personnage qui préfère la rigueur aux éclats le reflet d'une certaine image de la Suisse, où se passe l'action: un pays calme, un peu terne peut-être (le pays a aussi ses banlieues sans âme), mais où tout se passe pour le mieux.
Du moins en apparence: quand même, l'hypothèse de l'homicide volontaire se vérifie! Les indices collectés sont divers: un peu de la couleur de la voiture, un suspect qui boit trop, un chien disparu, deux chiffres incertains sur une plaque minéralogique, et même une tombe profanée. A cela vient s'ajouter un peu de psychologie, en vue d'arriver, de manière assez linéaire, jusqu'au coupable. Henry Baud n'a certes pas à se laisser attendrir; cela dit, l'auteure dessine précisément les arguments qui s'entrechoquent dans l'esprit du commissaire au moment des aveux.
Catherine Gaillard-Sarron offre avec "Délit de fuite" un petit roman policier classique, cohérent et bien construit, qui prend le temps d'explorer les âmes humaines (celle de Henry Baud, mais aussi celle du coupable, qui a ses raisons d'agir comme il l'a fait) et ne néglige pas les moments de légèreté. En définitive, c'est un livre qu'on lit rapidement, porté par un style fluide et agréable.
Catherine Gaillard-Sarron, Délit de fuite, Chamblon, CGS, 2016.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Allez-y, lâchez-vous!