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samedi 13 avril 2024

Entre la nuit et la mort, des poèmes encore

Jean-Michel Maulpoix – Exclusif, le poète? Certes: au seuil de son dernier recueil "Cahier de nuit", l'écrivain Jean-Michel Maulpoix semble faire le tri entre ceux qui pourront y entrer et les autres. Ce que l'auteur rejette dans son poème liminaire "Cloué sur la porte", sur un ton qui rappelle curieusement le Rabelais de "Cy n'entrez pas...", c'est surtout le faux, l'hypocrisie. En revanche, tout lecteur sincèrement avide de beau et de vrai trouvera son bonheur dans ce recueil, avec en plus l'impression d'avoir été choisi et d'être proche du poète, invité même à sa table: littéralement son "co-pain".

"Cahier de nuit" se décline en cinq groupes de poèmes. Caractérisé par une ponctuation rare et par des vers souvent longs, libres ou classiques, le premier ensemble arbore une ambiance contemplative et romantique, rapprochant le thème de la nuit de celui de la mort, vue par un poète qui avoue déjà un certain âge. 

L'image de la mort s'étend dans la deuxième série de poèmes, "Parking Song". L'écriture est alors un peu plus inquiète, et l'auteur y mêle avec adresse les motifs de la guerre ("Canicule", p. 29) et des épaves d'automobiles, qui apparaissent dès lors comme la métaphore d'un humain en fin de vie... ou simplement devenu inutile. En résonance, c'est dans "Le dernier tram" que le poète aborde le thème de l'amour, en un ensemble magnifique de six poèmes structurés en des tercets aux airs denses de haïkus.

Interrogeant les mots eux-mêmes, en tant qu'outils de travail du poète, la quatrième partie du recueil, "Les mots dorment-ils?", opte pour une écriture qui se rapproche de la prose poétique, sans doute pour plus d'immédiateté et de proximité avec le lecteur: le poète choisit de renoncer quelque peu à la musique particulière de son élocution. Dès lors, il sera question de technique certes, mais aussi de grâce et – l'auteur va jusqu'au bout – de rapport à la grâce, à Dieu, au sacré. Cela, sans oublier Rimbaud, un prince parmi les poètes, intervenant dans "La rivière de cassis" (p. 65).

Enfin, c'est sur une cinquième série de poèmes lumineux que le recueil s'achève, indiquant avec une justesse optimiste que la nuit finit toujours par céder la place au jour, y compris avec la lumière que l'enfance peut apporter aux adultes. Le poème "La beauté des fleurs" rappelle le titre d'un autre recueil de l'auteur, "Rue des Fleurs". "Cahier de nuit" prend dès lors, le lecteur le comprend en refermant le livre, l'allure d'un voyage ébloui à travers la nuit.

Jean-Michel Maulpoix, Cahier de nuit, Paris, Mercure de France, 2024.

Le site de Jean-Michel Maulpoix, celui des éditions Mercure de France.


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