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jeudi 26 décembre 2019

E. S., en respectueux hommage

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Tatjana Erard – Avec "Inspirations" et après "Méandres", l'écrivaine Tatjana Erard confirme son attachement à cette ville de Fribourg qui est la sienne. "Inspirations" s'intéresse de près à une personnalité attachante de la vie culturelle fribourgeoise, Emmanuel Schmutz, décédé il y a un peu plus d'un an. Il n'est jamais nommé, discrétion oblige. Mais il n'est pas difficile de le deviner entre les lignes.


Pour une part, "Inspirations" est construit à la manière d'un dialogue, comme une conversation qui se prolongerait après la mort. Tantôt c'est l'auteure qui parle, tantôt E. S. qui répond, se raconte: sa voix est celle qui résonne lorsque, par exemple, l'auteure le revoit présentant les films proposés par Cinéplus, qui est le ciné-club local. Cette voix d'E. S. est un fil rouge: c'est celle du passeur enseignant, celle de l'amateur de bons mots, celle du transmetteur. Mais aussi celle qui se brise, fatiguée par la maladie contre laquelle l'homme a lutté pendant sept ans.

Les chapitres d'"Inspirations" sont des tranches de vie d'E. S. Elles conduisent le lecteur au long d'une existence à la richesse insoupçonnée: enfance à Châbles, puis études à Genève puis à Paris, arrivée à Fribourg où le personnage principal du livre va faire sa carrière, trouver sa voie. Les rencontres jalonnent ce parcours, que ce soit celle de l'épouse parisienne ou celle d'écrivains ou de journalistes. Il y a aussi les grands moments qui sont cités, à l'instar d'une interview de Wim Wenders ou l'arrivée du photographe Willy Ronis, vaillant nonagénaire, à Fribourg.

Ces chapitres adoptent des formes diverses, qui empruntent volontiers aux structures utilisées au cinéma, par exemple celles d'un script, avec ses indications de jeu. Ils citent aussi les écrivains qui ont traversé la vie de celui qui fut un pilier de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, animateur de sa médiathèque mais pas seulement; dès lors, la littérature s'invite aussi dans les pages d'"Inspirations": Musset, Proust, pour n'en citer que deux.

Chaque chapitre s'ouvre sur quelques mots-clés étalés comme un poème rapide, synthétique, qui dit tout – on pense à ces mots sur Pérolles, qui ne sont rien d'autre qu'une remontée du boulevard qu'on fait avec l'auteur... et avec E. S., qui y a élu domicile. Et en résonance, en fin de livre, le lecteur découvre aussi les poèmes qu'E. S. lui-même a écrits: une belle manière pour l'écrivain de donner le dernier mot à E. S.

Un E. S. dont l'écrivaine dessine un portrait sur le ton de la biographie respectueuse, habitée par quelques objets fétiches comme un appareil photo Baby Brownie de 1950, éclairé et nourri aussi par des extraits du journal du personnage. Un personnage entouré de personnalités artistiques d'audience locale ou internationale, porteuses en tout cas de leur propre génie, convoquées pour cet hommage.

Tatjana Erard, Inspirations, Fribourg, Faim de Siècle, 2019.

Le site des éditions Faim de Siècle.

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