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lundi 13 mai 2019

Un squat à la rue de Rivoli

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Antonio Albanese – Rappelons-nous: à la fin de "Voir Venise et vomir", le personnage de Matteo di Genaro s'envolait pour la Nouvelle-Orléans sur les mots "A suivre...". Et hop: dans "1, rue de Rivoli", on le retrouve à Paris. Les détours de la série imaginée autour de Matteo sont décidément insondables! Et dans ce troisième volume, ce personnage se pose quelques questions autour d'un homicide survenu dans un squat improbable, situé justement au 1, rue de Rivoli.


L'intrigue est certes simple, mais solide: on retrouve donc le cadavre de Charles de Fidos, fils d'une personnalité politique affairiste et marquée à droite. Il vivait dans le fameux squat avec sa sœur et deux autres jeunes hommes. Un peu trop facilement, on accuse un Congolais, Ray. Mais c'est un peu plus compliqué que ça, et quitte à doubler une police trop contente d'avoir liquidé le travail à bon compte, il mène sa petite enquête. Après tout, c'est chez lui que ça se passe, non? C'est lui le propriétaire!

C'est que Matteo di Genaro fait figure de riche atypique, doté d'un patrimoine immobilier considérable mais pas très porté sur l'idée de propriété privée. C'est pourquoi il considère avec complaisance la présence d'un squat dans ses murs, tout en reprochant à son gérant de ne pas avoir vendu depuis dix ans. Atypique, le bonhomme l'est aussi dans sa manière de penser, dont il fait part au fil de quelques pages argumentées avec ce qu'il faut, peut-être, de mauvaise foi: il apparaît favorable à l'inceste du moment qu'il est consenti, et relance le débat sur la pertinence de l'héritage (il est contre le concept, au nom de l'égalité).

On peut certes reprocher un certain manichéisme dans ce petit roman, qui met une fois de plus en scène un enquêteur libertaire atypique et bourrin, vaguement anarchiste mais assumant ses contradictions et avouant un très léger penchant pour la gauche (p. 11), courant après les sales fachos: Gabriel Lecouvreur, sors de ce corps! Cela dit, ceux que le narrateur désigne comme fachos en prennent pour leur grade, largement, témoin la visite de Matteo aux bureaux de Radio Courtoisie, où trône entre autres le portrait de Robert Faurisson – il y a un souci certain du détail dans cette scène. 

Et puis, même lorsqu'on observe le monde avec toutes ses petites cellules grises, il est permis d'avoir la tête près du bonnet. Du coup, le lecteur appréciera avant tout dans "1, Rue de Rivoli" une intrigue pas du tout alambiquée, simple prétexte à raconter, sur la base d'une situation qui n'aurait pas dû duper les policiers une seule seconde. Cela, dès la description initiale de la scène du crime, avec un personnage qui ressemble à un homme... ou ce que l'on considère comme tel. Quant à la suite, force est de relever qu'elle est portée par une écriture rapide comme une Moto Guzzi à travers le cimetière des Batignoles, et joueuse à l'occasion: on retrouve ici un penchant pour les notes de bas de page à visée pédagogique ou éclairant une situation à l'aide d'un mot-dièse. Et aussi, parfois, pour les néologismes. San-Antonio a laissé quelques idées... que l'auteur, sage, ne singe pas.

La suite à Kinshasa? C'est ce que promet la fin du roman. Gageons que cette promesse ne sera pas tenue... et que le lecteur, ravi, sera à nouveau surpris.

Antonio Albanese, 1, rue de Rivoli, Lausanne, BSN Press, 2019.

Le site d'Antonio Albanese, celui de BSN Press.


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