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lundi 4 février 2019

La presse dominicale romande à la moulinette

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Catherine Gaillard-Sarron – Une couverture qui a tout du roman noir... mais ce n'est pas tout à fait à cela que l'écrivaine suisse Catherine Gaillard-Sarron invite son lectorat avec "Mme Serpit-Coht décortique l'actualité". Non, l'idée est plus simple: elle consiste en un passage à la moulinette de l'actualité dominicale, réalisé en couple, avec Mme Aimée Serpit-Coht en tête de liste et son mari Fernand qui opine du bonnet en remplissant ses grilles de mots croisés ou de sudoku.


Un tel projet impose naturellement la forme du dialogue, et ceux-ci sont effectivement nombreux. Ne dites surtout pas "sois belle et tais-toi!" à Mme Serpit-Coht, dite "Mme Serpe", elle n'en serait pas capable! Au contraire, elle parlerait deux fois plus (sans compter qu'elle écrit...). Il est regrettable que tout ou presque soit ramené par elle à une grille de lecture féministe victimaire, ce qui rend son discours un brin agaçant et prévisible. Son nom est du reste inspiré d'un justicier de cinéma, Frank Serpico, tout droit sorti d'un film de Sidney Lumet et peut-être plus taiseux.

Est-ce que le propos aurait été plus affûté si Fernand arrivait de temps à autre avec des arguments contradictoires solides? C'est possible. Face à Aimée, en effet, Fernand apparaît comme un père tranquille, désireux surtout de calme, ce que son épouse n'est pas toujours disposée à lui accorder. Les petites tensions du ménage apparaissent cependant au détour des pages, çà et là, sans que cela ne prête à conséquence: "Oui!" sera le dernier mot de Fernand, au terme d'une fin de roman apaisée. Comme s'il pouvait rien rien refuser à sa Mme Serpe! 

Reste que la complicité entre les deux époux, faite de sadomasochisme verbal mais pas seulement, est palpable. En témoignent les nombreux jeux de mots, doubles sens et néologismes amusants qui émaillent le propos. Comme tombés naturellement au fil de la plume, ils sont parfois attendus, le plus souvent subtils et astucieux, et apportent leur touche de légèreté souriante à un propos qui a tout de la conversation en roue libre, nourrie d'un certain sens. Elle surfe sur une actualité suggérée: des publicités mettant en scène des hommes maladroits aux uritrottoirs nanto-parisiens en passant par le monde des lettres, on la devine pétrie d'articles piochés dans la prose copieuse des journaux suisses romands du dimanche tels que "Le Matin" ou "Fémina", à peine déguisés sous de faux noms.

Catherine Gaillard-Sarron, Mme Serpit-Coht décortique l'actualité, Chamblon, Catherine Gaillard-Sarron, 2019.

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