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vendredi 2 novembre 2018

"Les Hommes": quand une femme se souvient

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Joseph Incardona – Encore un billet sur le texte d'une pièce de théâtre! Les éditions BSN Press semblent chercher leur place dans l'édition de textes relevant de ce genre en Suisse romande. La maison a publié dernièrement "Les Hommes", pièce de théâtre signée Joseph Incardona – un écrivain que l'on connaît, mais qu'on n'attendait pas forcément dans ce genre littéraire. Il n'empêche: voilà qu'il propose avec "Les Hommes" une belle pièce centrée sur une femme âgée, Poupée, dont les souvenirs vont lui péter à la gueule.


Tout commence avec la Ford Mustang qui finit dans un talus: Poupée, qui la conduisait, doit chercher du secours. Le spectateur la trouve échouée dans une station-service déserte et déglinguée où se trouve un téléphone. Fait particulier: c'est là qu'on l'appelle, elle. A l'autre bout du fil, il y a le conducteur, un dentiste responsable de l'accident, un brin cynique: il paraît se faire davantage de souci pour la (belle) voiture que pour sa conductrice. Un ressenti qui entre en résonance, plus loin, avec ce qu'en dit Ken, le mari de Poupée. Qui a peut-être été belle comme une Barbie dans sa jeunesse.

Face à Poupée, le défilé des hommes paraît décrire le spectre des relations entre les hommes et les femmes, des plus brutales (avec l'Agresseur, qui agresse les femmes pour jouir de leur peur mais ne bande plus dès qu'elles sont consentantes) aux plus sentimentales (avec Max, l'amoureux de jeunesse) – avec, on l'a dit, une femme au centre de ce jeu. La vie maritale est également décrite avec Ken, et là, le dialogue se fait piquant, cruel même: on assiste à une belle dispute à froid, non exempte de chantage affectif.

Un personnage au téléphone (le conducteur), d'autres visibles sur écran: dans "Les Hommes", la réalité étroite de la scène et des contraintes théâtrales est transcendée par ce qu'offre la technique. En faisant apparaître la petite fille, cette technique permet même d'imaginer Poupée enfant – et, partant, de secouer un peu la temporalité. Et sur un écran, on voit s'écrire une lettre d'écrivain, à la machine à écrire, dès le début de la pièce. Et bien sûr, un tourne-disque fait entendre "Que reste-t-il de nos amours?" de Charles Trenet. Une chanson qui est tout un programme: celui de cette pièce de théâtre.

On l'a compris: la vie d'un être humain, d'une femme, vaut davantage que les quelques mètres carrés d'une scène de théâtre telle que celle des Pulloff Théâtres de Lausanne, où la pièce "Les Hommes" a été créée. Vie, amours et violences peuvent toutefois y trouver place dans toutes leurs dimensions grâce à la forme de réalité augmentée que peut offrir le soutien d'une technique adroitement utilisée au service d'un texte précis et vigoureux qui, lui aussi, révèle par le seul verbe des personnages les différentes facettes d'une femme... et des hommes qui l'ont côtoyée.

Joseph Incardona, Les Hommes, Lausanne, BSN Press, 2018.

Le site des éditions BSN Press, celui de Joseph Incardona.

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